Des formules lapidaires, désinvoltes, écrites d’enfantine manière, et déclinées à l’envi sur t-shirts, trousses d’écolier et tout support improvisé, ont créé un indéniable succès médiatique. Cette image-cliché est cependant réductrice.
L’exposition consacrée à Ben au Domaine de Chamarande, dans l’Essonne, menée par Eva Vautier, s’applique à présenter le travail d’une vie, plus riche et plus complexe qu’il n’y paraît.
L’homme, 85 ans, déborde d’une truculente vitalité, et n’a jamais cessé d’inventer. Il ne renie rien, depuis son appartenance au mouvement Fluxus des années 60, qu’il a en partie fondé, jusqu’aux récentes trouvailles verbales et autres. La série « Mes Gestes », cracher, dormir, faire des grimaces, mettent en scène, pour faire œuvre d’art (?), les actes quotidiens les plus ordinaires, avec la volonté délibérée de choquer. Aujourd’hui, des professeurs s’en inspirent et créent des performances, pour le plus grand plaisir des collégiens.
Au fil de l’exposition, quelque 400 œuvres prêtent à sourire, voire à réfléchir, et tout un chacun, parfois, s’y retrouve. Ben nous dit quelque chose des peurs, vanités, faiblesses et échecs de l’humain. Il ne fait pas pour autant la morale, juste des clins d’œil appuyés.
L’ego est son dada… « Nous sommes tous ego, tous les êtres vivants, y compris les virus… ». Tous des êtres uniques, avec nos particularismes. Et notre propre langue, ce qui donne l’occasion au linguiste par lui revendiqué (Ben, pendant son enfance itinérante, a appris 5 langues) d’élaborer une théorie « ethniste » toute personnelle.
Vers 1960, il jouait au jeu des appropriations. Selon la règle élaborée par Yves Klein, nul ne doit copier. Arman accumule, Christo emballe…, lui s’approprie les Trous, les Coups de pied, Rien et Tout. Un peu plus tard, il intitule une série « Introspections », où il détricote avec lucidité, voire avec cynisme, sa démarche dite artistique. Des formules comme « Ma volonté d’être différent », « Ma jalousie », « Ma peur de me répéter » témoignent de son désir d’authenticité.
« L’art, que c’est lourd , oh la la ! », conclue-t-il.
Une exposition ludique et loufoque, entrée gratuite.
« Être libre, par Ben » – Jusqu’au 11 octobre 2020
Domaine de Chamarande (91) – www.chamarande.essonne.fr
