Biographe émérite, Sophie Doudet, passionnée d’art et de littérature, affronte par la marge l’énigmatique complexité humaine du grand Goya, l’un des sourciers de la modernité.
L’approche est plurielle, fictive, sensible et remarquablement documentée. Le petit-fils de Goya est au fond le porte-parole de l’auteure. Mariano Goya, à 22 ans, est au chevet de son grand-père quand celui-ci meurt d’une attaque cérébrale, le 16 avril 1828. Le jeune homme, avatar réaliste de Sophie Doudet, mène enquête autour du chef-d’œuvre de Goya, le célébrissime « Tres de mayo », dont la présence errante court tout au long de cet ouvrage vif et tonique.
Inventé, le journal intime du maître brosse une analyse complexe d’un Goya pluriel et surprenant. « Difficile de faire un portrait de Goya sans se heurter aux différents et souvent contradictoires aspects de sa personnalité » écrit l’inventive auteure de l’ouvrage. Bien réelles, et parfaitement utilisées, des lettres de Goya sont subtilement intégrées.
Beau livre aux accents réalistes – fussent-ils joliment inventés – qui, en sourdine, fait vivre de grands aspects d’un phare de l’histoire de l’art. Un siècle avant l’éveil fracassant des plus grands jaillissements de l’histoire de l’art, Goya, exilé dans sa mort-vie, saisit à la gorge la sauvagerie de la plus grande créativité. Les dessins féroces et grotesques de Goya sont d’âpres et inquiétants gros plans sur les apparitions de l’origine, quand règne l’indistinction, quand naissent d’autres possibles, et d’autres élans.
La surdité de Goya ne l’a pas éloigné de sa vie, mais lui a donné d’être le peintre de la vie totale. Et ce livre, qui restitue la pluralité d’un homme, est respectueux de l’essentiel.
La mort en face selon Goya
« Le roman d’un chef-d’oeuvre »
Auteur Sophie Doudet
Editions Henry Dougier – 12,90 €