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On en parle

William Morris, l’Art dans tout et pour tous

Gersende Petoux, le 6 décembre 2022

Once upon a time émergeait la belle ville de Roubaix. Au XIXème siècle, forte de son image industrielle et berceau du textile, la cité aux 267 cheminées partageait alors avec le Royaume-Uni le rayonnement de l’industrie textile, symbolisant pour la France ce que Manchester était à l’Angleterre. Bien des années plus tard, répudiée, décriée, la ville de Roubaix aurait pu être entachée d’une aura négative et être jugée peu digne d’une visite, moins encore d’un séjour.

Et pourtant ! Non seulement Roubaix peut se targuer d’un passé et d’une histoire des plus riches, mais de surcroît, Phénix du paysage des Hauts-de-France, elle renaît depuis quelques années avec pléthore de musées, lieux culturels incontournables, vivier d’artistes et de jeunes créateurs, aussi talentueux que prometteurs. 

Musée de la Piscine de Roubaix

Immersion dans l’art mais aussi célébration de l’histoire de la ville et des arts décoratifs, le musée de La Piscine est un haut-lieu élégant et original dans le paysage culturel de la métropole lilloise, au rayonnement national. Superbement aménagé dans l’ancienne piscine municipale, il célèbre à sa façon, avec un regard audacieux et un ton affirmé, des artistes, des courants de pensée, des personnages dont le travail rend grâce aux artistes autant qu’aux artisans, des porte-parole de leur temps : Jawlenski, Taslitzky, Guillaumet, Gromaire et tant d’autres.

Tribute à un passé fait de rivalité autant que de connivence avec nos voisins britanniques, Roubaix, qui eut l’insigne honneur d’accueillir la Reine Elisabeth en 1957, se met à l’heure anglaise autour de 7 expositions temporaires, dont une dévolue à William Morris et aux arts décoratifs dans une scénographie renversante.

William Morris – Buffet – Vers 1880 – Acajou verni en noir, partiellement peint et doré,
cuir repoussé peint et verni

William Morris était un génie, un humaniste et un influenceur avant l’heure. Peintre, décorateur, dessinateur, poète, écrivain, éditeur, typographe, designer textile, architecte, écologiste, militant socialiste, il ne peut se définir par une seule de ses multiples fonctions. Amateur du beau et des arts mais aussi homme de convictions et de révolutions, il fut l’un des pères fondateurs du mouvement Arts and Crafts, prônant l’Art dans tout et pour tous, à l’heure où l’industrialisation, le productivisme, la recherche du profit et du rendement coûte que coûte menaçaient selon lui notre Société.

William Morris – Frère Lapin – Carton imprimé indigo à la planche – 1882

Ecologiste autant que socialiste, Morris était aussi un militant, un activiste, un homme engagé. Point de frontière entre l’artiste et l’artisan pour lui, le facteur travail est prépondérant et tous ont droit à la reconnaissance. L’égalité est aussi maître-mot dans les rapports entre les deux sexes et William Morris se pose en ardent défenseur des femmes.

Il dessina sa maison familiale et en fut l’architecte, la Red House, créa ses propres polices de caractères, empruntées par le Musée pour les cartels ou les inscriptions murales, écrivit les premiers romans fantasy, qui influencèrent Tolkien ou JK Rowling, dessina de superbes motifs déclinés en textile ou papiers peints… Les murs de la Piscine en sont d’ailleurs ornementés, toiles de fond aux œuvres exposées, empruntées aux collections du musée d’Orsay, de la Tate Modern ou du Victoria and Albert Museum de Londres, peintures, vitraux, verres, mobilier, etc, chorégraphiés par Cédric Guerlus en une divine mise en scène.

William Morris – Oiseau – Créé en 1877-1878

A l’issue de l’exposition, produits dérivés et suggestions littéraires sont un hommage à l’œuvre de William Morris et célèbrent ses compatriotes et-ou contemporains : productions littéraires de Jane Austen, des sœurs Brontë ou Oscar Wilde, albums délicatement illustrés de Beatrix Potter et son Peter Rabbit enchanteur, littérature fantasy avec de splendides couvertures de livres ou bandes dessinées, Dracula, Tolkien…  Un mur couvert de splendides parapluies imprimés arts décoratifs nous rappellent non sans humour qu’Angleterre ou Hauts de France, même combat, jamais sans son umbrella !

Les Parapluies !

Une simple visite ne suffit point. Tant d’autres merveilles sont à découvrir, et pas seulement les expositions temporaires connexes, so british ! Pour prendre le pouls de Roubaix, arpenter l’avenue Jean-Baptiste Lebas s’impose : partant de la gare, bel édifice du XIXème siècle avec sa façade de verre surmontée d’un campanile, sa grande horloge et sa charpente de métal, le flâneur remonte jusqu’à la Grand Place, où l’Eglise St Martin lorgne de sa blancheur immaculée l’hôtel de ville. Cet édifice, classé monument historique, est l’œuvre de l’architecte Victor Laloux, auteur lui-même de la gare d’Orsay. Au cours de cette déambulation, le promeneur longe de somptueux hôtels particuliers, qui hébergent aujourd’hui galeries d’art et boutiques de créateurs, le fameux musée de La Piscine mais aussi la très belle ENSAIT (Ecole Nationale Supérieure des Arts et Industries Textiles), se targuant de 130 ans d’excellence textile ! Clins d’œil à l’art contemporain, les poteaux sont des petits chefs d’œuvres de Street Art et El Gato, un chat géantissime créature fantastique de l’art populaire mexicain, s’est imposé depuis 2019, saison de Lille 3000-Eldorado. 

Atelier Jambon-Bailly – Panorama de la Grand-Place de Roubaix – v.1911 –
Peinture à la détrempe (à la colle) sur toile – Ancien fonds de la Ville de Roubaix

Roubaix est une ville qui se conjugue à tous les temps, dans une atmosphère qui célèbre le passé en regardant ouvertement vers demain. De la Condition Publique à la Teinturerie, en passant par La Manufacture, l’usine Motte Bossut et le Non Lieu, elle se définit comme une cité « arty alternative » qui réinvente encore et toujours ses anciennes usines et friches industrielles, une ville à suivre.

Jusqu’au 8 janvier 2023 – La Piscine – Roubaix (59)

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