Longtemps réduit à ses remarquables “Arbres de Jessé“ et à son apothicairerie, le musée de l’hospice Saint-Roch d’Issoudun n’en possède pas moins une très belle collection d’art contemporain, bel ensemble constitué au fil de bien pertinentes acquisitions et de donations, dont un rare fonds de dessins. On pense, parmi les pièces majeures, aux œuvres d’Edouard Pignon et de Fred Deux auxquels s’ajoutent les archives des gravures de Cécile Reims, et les estampes de Zao Wou-Ki.
Actuellement, le Musée présente une importante exposition du peintre franco-suisse Jean Zuber (1943-2019), sous la conduite éclairée du conservateur Patrice Moreau et de Anne-Solange Gaulier-Zuber.
Comme en écho aux collections océaniennes et extra-européennes du Musée, “Jean Zuber. Signes, cosmogonie détournée” montre “le parcours d’un homme ayant fait de sa vie un voyage en peinture, et tout autant une peinture infusée par ses pérégrinations”, pour reprendre les mots de l’écrivain Nicolas Pesquès. Jean Zuber a beaucoup voyagé et exploré l’Afrique, l’Océanie, l’Asie. Il a observé les coutumes anciennes encore vivantes des peuples Hopi d’Arizona, des Aborigènes Maoris, des Dogons du Mali.
Travail d’anthropologue et études d’architecture dans la ligne du Bauhaus ont informé sa création. Sa peinture épurée se compose essentiellement de motifs géométriques, cercles, carrés, ovales, de lignes brisées ou sinueuses, en lacis, en réseaux et entrelacs. “Il composait ses propres rituels avec ses signes et ses constructions architecturales”, et cet alphabet visuel diversifié prend une allure d’exploration intérieure dans une subtile écriture énigmatique.
“Chronos-chelonia”, œuvre partiellement exposée (quatre feuilles sur douze) à même le sol, décline sur fond noir une constellation de signes à la signification multidimensionnelle, dûment élaborée et entrecroisée de considérations philosophiques. Ces formes archétypales se retrouvent dans toutes les grandes compositions, dans lesquelles le trait énergique est toujours premier, incisé à vif dans la texture colorée. La gamme chromatique va de l’ocre-brun, dû au saupoudrage de sable ou de latérite, à des couleurs franches, claires et lumineuses. La peinture est vivante, expressive, poétique, dynamique, et va jusqu’à parfois déborder du cadre, comme si la pensée était infinie.
Certains titres, “le Gange”, “Présence Lobi”, font directement référence à ses voyages, “L’Arbre de ma vie” est plus explicite, d’autres relèvent de la pure invention ludique “Ubu-rastaqouère”. “Tentation pour décrire le désordre dans l’ordre” est une incitation à faire l’effort de “lire” le tableau comme on lirait un texte difficile.
L’exposition se poursuit dans le cabinet des arts graphiques pour une série d’œuvres intitulées “Proposition pour un rituel” qui associe de petites peintures à l’huile à des objets réalisés en bois, et peints. Au passage un œil jeté sur les carnets de travail numérisés complète une visite enrichissante, intemporelle, dans le monde illimité de la connaissance.
Très beau catalogue avec une préface de Nicolas Pesquès et la reproduction des œuvres exposées.
En Une : L’incompréhensible discours de Dieu – 2015 – Huile sur toile – 150×180 cm
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