Faire œuvre d’art des résidus de biens de consommation courants produits par des multinationales occidentales est chez Moffat Takadiwa plus qu’une démarche artistique originale. L’artiste d’envergure internationale, né au Zimbabwe en 1983 après l’indépendance, vit et travaille à Harare. Au cœur de sa communauté il milite pour le développement de pratiques artistiques, la réhabilitation de la culture locale, il encourage la technologie et l’informatique, participe à des projets d’amélioration des conditions de vie. Dans le quartier de Mbare, l’un des plus grands centres de recyclage et d’économie informelle du pays, il développe le premier quartier artistique au monde employant des matériaux reconvertis.
Les créations de Moffat Takadiwaont pour point de départ des matériaux trouvés sur les vastes marchés de l’occasion alimentés par les rebuts des sociétés occidentales ou dans les décharges. Une évidence pour lui, qui, de culture africaine, a appris que rien n’est vraiment jeté et tout retrouve une nouvelle vie. Une fois les articles collectés, l’artiste et son collectif d’artisans travaillant dans l’atelier se livrent à un intensif travail de nettoyage et de tri.
Pour Tales of the Big River, des claviers d’ordinateur ont été dépecés, des flacons et des bouchons en plastique récupérés, et même des brosses à dents usagées. Chaque pièce, chaque touche de clavier a été percée afin de permettre l’assemblage, permettant à l’artiste de coudre, voire de “tisser” une tenture murale, à la surface volontairement accidentée. Les éléments perdent leur identité première, se dissolvent dans un tout significatif. Moffat Takadiwa semble vouloir “percer” les symboles de la domination coloniale. Son œuvre retrace poétiquement des histoires de brassages et de migrations. La tapisserie à l’emblème du pays, le Zimbabwe Bird, pourrait bien marquer un très fort attachement à une identité parfois malmenée.
Moffat Takadiwa a produit son exposition à Harare, en dialogue avec l’histoire industrielle, portuaire et ouvrière de la ville de Gennevilliers. Cette exposition a pris place à l’Ecole municipale des Beaux-Arts, Galerie Edouard Manet, centre d’art contemporain et lieu d’échanges inclusif. A Paris, l’artiste est représenté par la galerie Sémiose.
Jusqu’au 1er juin 2024 École Municipale des Beaux-Arts – Galerie Edouard Manet – Gennevilliers (92)
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