Jamais atteint par le déjà, Réquichot (1929-1961), fulgurant météore, navigue dans le no man’s land du hors-sens, dans l’irrécupérable, et s’aventure vers l’illimité de la forme. L’expo du Centre Pompidou, avec des œuvres prêtées par la galerie Alain Margaron, lui rend hommage. Œuvre “lourde d’impossible”, où les symboles se noient. S’imposent d’étranges fleurs d’espace, écloses dans le vide, encloses dans leur cruelle dureté minérale, hors d’atteinte du réel, et cependant fabuleusement réelles. Dans cette œuvre vive emplie de secrétions vitales, le signe naît de la mort du vide. Et la tache aiguë donne au signe la force du chaos qui le fait vivre.
Du monde déserté du trop-plein civilisé, ne subsistent que virtualités fragiles, possibles embryonnaires, et traces de peut-être… Et l’œil succombe à la présence brutale de taches insensées. Réquichot recule sans fin les limites ressassées des références trop visibles. Il fouille les sources cachées de ses signes majeurs, avant même qu’ils ne se révèlent pleinement, à l’instant même de leur impact bouleversant.
La force du signe est à son comble dans l’imminence de sa cristallisation, avant de s’éteindre dans la complétude qui l’installe. La matière de Réquichot s’illumine d’éclairs gestuels, esquisses d’un langage virtuel, qui dirait d’avance le refus tragique des langages usés. Il part d’infimes poussières vitales intracorporelles éparpillées vitalement sur la toile. Et de dures fractures, comme l’écho brisé d’une fusion oubliée, signent les traces griffées des meurtrissures vitales. Œuvre en lisière d’inconnu, où le dedans et le dehors du corps, peints dans le même implacable mouvement, disent le sublime et l’atroce : l’être un et séparé, l’impossible union de la chair et du cosmos.
Sorcier artiste, Réquichot peint en rituel d’apparition, dans “l’immonde et l’extase”. Un grouillement fouaillé couve dans ses reliquaires bousculés. Comme si, dans ses foudroyantes apparitions, quelque chose avait été arraché d’un fond secret commun à tous les états du minéral, du végétal et de l’organique. Une nouvelle matière, vibratile et bouleversée, enfin mise à jour par la gigantesque intervention de l’artiste, vient crever les surfaces de l’art, comme si de solitaires îles psychiques traversaient l’opacité sans fond des origines pour éclater à la surface, immobilisées par l’air vide du dehors.
Dans son art-continuum d’innombrables dimensions, Réquichot, mort à 32 ans, creusait toutes les voies de l’art et s’en amusait. Il surgit déjà des ruines de demain.
Jusqu’au 2 septembre 2024 Centre Pompidou – Galerie Alain Margaron – Paris 3ème
En Une : Sans titre – 1957 – Huile sur toile – 75×53 cm
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