Inutile de préciser que Solid’Art Lille 2024 fut un franc succès, tant par la qualité des 120 artistes présentés que par les fonds récoltés soit près de 245 000 euros ! Un record pour cette édition anniversaire, 10 ans déjà que l’édition lilloise bat son plein ! Un grand bravo à tous les participants, organisateurs, heureux et généreux acheteurs ! Retour sur le salon, mon appétence pour la photographie me mène aujourd’hui à un focus sur quatre artistes au grand cœur et au talent incontestable.
Tout d’abord, partons à la découverte des pianos oubliés de Romain Thiery. A la sortie du lycée, Romain, jeune pianiste issu d’une famille aux nombreux talents artistiques, avait déjà en tête un projet bien construit : chiner des pianos oubliés tout en arpentant notre planète. Ce ne sont pas seulement les touches, marteaux, cordes et autres caractéristiques techniques et plastiques de ce bel instrument qui fascinent le jeune Romain. Il est également à l’affût des sons émis par ces pianos délaissés dont il saisit l’étrange mélodie pour accompagner ses clichés.
De ses photos émane une certaine nostalgie, mais point de tristesse. Romain aime également les mises en scène : il n’est pas rare de le voir empiler les pianos pour en faire de vertigineuses tours de 8 mètres de haut lors de ses expositions et installations qui, outre l’Europe, peuvent aller jusqu’en Corée du Sud, Russie, Inde, USA… Plus modestement à Lille, ce sont des flots de partitions qui sont venues compléter la scénographie d’un des stands les plus remarqués du salon en cascade de notes enchantées.
Autre photographe amateur de lieux oubliés, Thomas Caryn se définit comme un explorateur, aimant à rappeler que si on ne trouve pas nous-même une solution, c’est la nature qui va la trouver. Thomas a grandi à Mouscron (Belgique), dans un quartier défavorisé frontalier où les enfants zonaient entre terrains de foot aux buts dépouillés de leur filet et balançoires amputées de leur assise. Lors de ses études d’infographiste, il s’offre son tout premier appareil photo. La passion chevillée au corps, tout comme l’escalade qui lui offre la chance de dénicher la prise idéale pour s’introduire dans des endroits inaccessibles, Thomas pratique la photographie depuis 30 ans déjà. Il affectionne particulièrement les lieux chargés d’histoire et de souvenirs. Point de départ de son travail, maisons à l’abandon, usines brûlées, lieux en déliquescence attiraient son attention ; il s’est consacré ensuite davantage à des lieux en construction, en mutation, en rénovation. Son œil d’esthète donne lieu à des clichés de toute beauté, surréalistes, poétiques, évoquant de véritables décors de cinéma. Avec lui, la science-fiction devient réalité : une chaudière anthropomorphique affiche un masque à la Star Wars, une usine désaffectée de fabrication de moules offre une rangée de lapins de Pâques verdis de mousse et d’oubli… Coup de cœur pour cette papeterie aux orangés seventies digne de Shining ou cette salle de théâtre d’une école privée arborant un Christ en croix tout en désolation de voir le lieu à l’abandon…
Prenant également des risques d’un autre acabit en s’élevant dans les nuages, Michel Hirsch nous fait découvrir la Baie de Somme depuis son ULM. Ses prises de vue sont saisissantes : “Chaque détail est incroyable ! J’en découvre encore tous les jours” dit-il en détaillant avec amour et passion ses tirages complètement naturels au grain incomparable, impression sur papier coton mat oblige. Ici l’empreinte hiéroglyphique d’un oiseau, là l’ombre fantomatique d’un personnage plus petit qu’une fourmi… Les ciels sont tous différents et en cette année anniversaire de célébration de l’impressionnisme, on ne pouvait éviter la référence. Hasard de la conjonction d’un jour, d’une heure, d’une météo plus ou moins capricieuse, de la marée, du passage de visiteurs intempestifs, animaux ou humains, la nature crée l’abstraction et impose ces paysages semblables à des toiles.
A raison de trois vols en quatre années, Michel Hirsch a réalisé ces photographies où l’on peut se noyer dans les détails de sables mouvants de mouvement, vibrer au fil des ondulations de l’eau. “Il suffit de cueillir”, dit-il joliment. Pépite dénichée dans les cartons à dessin : des clichés où la couleur soudain se résume au noir et blanc, quand le contre-jour et la lumière rasante du soir engendrent des ombres créant le volume et absorbant toute gamme chromatique. Plutôt taiseux, l’artiste distille quelques pensées en haïkus, le regard perdu dans l’immensité des paysages qu’il capte avec grâce et dévotion : “il n’y a que des premières fois…”
Je reviens sur terre enfin avec les incroyables clichés de Georges Dumas, intarissable quand il s’agit de partager son travail d’amalgame mêlant fusion et juxtaposition des corps et matériaux. Il photographie d’une part les modèles, isolément, en couple voire en groupe, puis d’autre part tout type de matériaux : bronze, pierre, bois, mais aussi empreintes laissées sur les murs et les sols chargés d’écritures et graffitis, fruits de ses explorations urbaines. Jouant sur les volumes, le relief, il s’amuse à inverser les codes : le vide devient plein, la lumière vient à combler les creux laissés volontairement à la surface de ses impressions sous forme de petits carrés. Ses trompe-l’œil flirtent avec l’absurde donnant à ses œuvres une consistance factice, ses photographies imitant ainsi la peinture. A cet effet, il applique sur ses tirages une dizaine de couches d’acrylique venant renforcer l’image et constituant un glacis tout en transparence. “Il faut que les choses s’imposent à moi” dit l’artiste qui aime construire, empruntant le temps d’un cliché la posture du peintre ou du sculpteur. Georges Dumas est présent aussi chez Pandem’Art à Béthune, aux côtés de l’un de nos galeristes Aralya, Pierre Garnier.
Impossible de conclure sans évoquer l’un des invités phares de cette édition : le plasticien britannique Luke Newton au succès remarqué lors d’une belle exposition à la Piscine de Roubaix en 2022-2023. Lors de notre entrevue à une demi-journée de la fin du salon, ce jeune artiste généreux avait déjà récolté 15 000 euros ! Sa collection de papillons spécialement créée pour l’occasion a enchanté les visiteurs. Délicates œuvres de collage et découpage au scalpel, ces lépidoptères aux ailes ciselées et aux contours variés se sont envolés pour contribuer aux 4 900 jours de vacances glanés lors de cette 10ème édition de Solid’Art Lille.
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