“J’ai l’obsession de la figure humaine, et plus encore, dans la nuit de mon atelier, celle de la haute silhouette d’un visage frontal, ou d’un corps découpé à coups de sabre, et qui saigne au dedans de moi”. Ainsi parle Serge Labégorre, figure essentielle de l’expressionnisme contemporain en France.
Art absolu, l’expressionnisme actuel retrouve l’authenticité, la force et la violence des sources vives du début du vingtième siècle, et leur effervescence superbe. Fidèle à la pureté initiale, il creuse à jamais la voie poétique de la chair et de l’élan. Serge Labégorre ose sacraliser à vie et à vif ses personnages. Il les élève à hauteur de l’humanité, celle qui résiste aux fatigues de la modernité. L’expressionnisme dit la vie qui résiste.
Serge Labégorre met en charpie les dehors illusoires et fabriqués doux de l’apparence. Chez lui le rouge et le noir, dualisme puissant d’une chromatique brûlante, font la vie, très haute, dans les splendeurs tendues d’une grande peinture. Les couleurs sont rares, en état de choc… L’insondable énigme de la face vient de percuter la frêle surface de la toile… Aux abords interdits de l’essentiel, l’absolu est à découvert, et Serge Labégorre fait front.
Peu de couleurs, grande peinture. Il a l’obsession de la figure humaine, et plus encore, dans la nuit de son atelier, celle de la haute silhouette d’un visage frontal, ou d’un corps découpé à coups de sabre, et qui saigne au dedans de lui. Pour lui, la beauté n’est que le commencement du terrible. Tout part du réel, celui qu’on ne maîtrise pas et qui fait l’essentiel de la vie et de la mort des hommes. Ses personnages, impressionnants et implacables, naissent de l’ombre et de la nuit. Ils l’entraînent au-delà de lui-même. Leur lourde solitude est le reflet de la vie actuelle. Mais une soif d’absolu les habite. Ils ont le désir déchirant d’habiter l’éternité.
La peinture, c’est le contact charnel d’un corps avec un corps. Il faut sentir vibrer son corps, et restituer ses sensations dans l’obsession de la peinture. Cette obsession est un bienfait pour l’artiste. Elle évacue la médiocrité et le désenchantement du quotidien. Elle crée de l’émotion. C’est une langue intérieure et secrète où des traces d’un vécu essentiel s’agitent et secouent l’âme.
Les faces peintes de Serge Labégorre sont convulsives et chaotiques, cruelles et fatales, mais plus fières et plus vives que les ténèbres qui les font naître. Ce sont figures à hauteur d’univers, masques fabuleux du fragile clan humain, et leurs clartés charnelles éclairent le noir du vide.
Le sombre dedans du corps, toujours arraché aux surfaces, est un cri sans limite. L’art creuse ainsi la fin des regards, et Serge Labégorre brûle en silence tous les masques de la mort.
Labégorre, né peintre – Jusqu’au 29 septembre 2024 Musée des Beaux-Arts – Pau (64) En permanence au Fonds Labégorre
En Une : Vieux peintre français – Acrylique sur toile – 2023 – 46×33 cm
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