Ville portuaire des Hauts de France, Etaples nous offre cet été une magnifique exposition intitulée “Femmes artistes de la côte d’Opale“. La maison du port, coutumière d’expositions rendant grâce aux artistes locaux, célèbre aujourd’hui celles qui ont su capter la grâce et la lumière des paysages, les scènes de rue et de pêche, l’atmosphère d’un changement de siècle. Nées à l’aune du XXème siècle, parcourant parfois de nombreux miles depuis l’Australie ou l’Amérique, elles sont sans conteste à l’initiative de l’affirmation et du développement de foyers artistiques telles les écoles de Wissant, Etaples, Montreuil…
“A la Côte d’Azur vient s’ajouter désormais la Côte d’Opale” affirmait Edouard Lévêque, peintre touquettois en 1911. Si Calais et le site des caps ont inspiré par la suite un certain Nicolas De Staël, la commune d’Etaples a elle aussi attiré une multitude d’artistes dès la fin du XIXème siècle. Ses rues pentues bordées de petites maisons de pêcheurs serpentent jusque l’estuaire de la Canche où se tient la joyeuse “fête de la coquille” chaque printemps, tandis que la Corderie, ancienne usine de fabrication de filets superbement restaurée, abrite un centre de la pêche artisanale du nom de Maréis. Si la mer est à l’honneur en de multiples occasions, Etaples aime également rendre hommage aux peintres qui ont magnifié de leur art cette côte sublime. La maison du port s’attache quant à elle depuis une douzaine d’années déjà à organiser des expositions.
Focus sur les femmes peintres à présent ! Sont exposées des artistes reconnues de leur temps ou au talent naissant, telles Virginie Demont-Breton, Marie Duhem, Marie Cazin, Iso Rae, Catherine Hawdon, Elizabeth Nourse et bien d’autres encore. Marquant de leur empreinte le paysage artistique de la côte, elles se sont attachées aux scènes intimes ou à la maternité, ont plongé leur regard et leur pinceau dans la lumière changeante des paysages, ont immortalisé les scènes de rue et autres retours de pêche. D’autres encore ont été témoins de leur temps, des prémices de deux guerres meurtrières, de cette période troublée chevauchant le passage de l’une à l’autre quand les hommes s’enlisent dans les heures sombres d’une société qui bascule… Elles ont aussi innové en termes de techniques et sujets, ont bouleversé les codes artistiques, initié l’évolution de la peinture vers la modernité voire l’abstraction, se sont essayées à la photographie qui pointait alors le bout de son objectif, révolutionnant la manière de peindre et de figer l’éternité…
Autant de peintures, dessins, gravures, sculptures, photographies, documents d’archives et autres objets témoins permettent d’aborder le sujet de la formation de ces artistes femmes et de leur participation aux Salons. Elles ont ainsi fondé l’Union des Femmes Peintres et Sculpteurs, première association féminine française destinée à lutter pour la défense des droits professionnels des femmes artistes dont l’activité s’est poursuivie jusqu’en 1994. Pour certaines nées de parents illustres ou côtoyant de grands noms de la peinture, elles n’en ont pas moins tracé leur chemin avec détermination et indépendance, révélant leurs talents à travers techniques et sujets variés, voyageant avec témérité, sortant parfois des chemins convenus de la bienséance et des traditions. Elles ont osé divorcer, parcourir le globe, bousculer les codes établis et prendre la parole. Leur rôle prépondérant dans l’affirmation et la diffusion de l’art dans la société a ouvert la voie vers la modernité des années 1920 et fait évoluer la place des femmes.
Cet été, l’art n’est pas en reste dans la commune ! Pour la 38ème édition de l’Estivale des arts, la Corderie voisine accueille quelques 150 artistes de la Région en ce mois de juillet. Pour ma part, c’est à Elena que je rends hommage : femme artiste elle aussi, elle m’a réservé un accueil aussi chaleureux que passionné lors de l’exposition, me dévoilant par la suite sa passion. Elle crochète la nature et ses racines russes dans des réalisations textiles à découvrir sans tarder sur son compte Naturofils, preuve que l’art est partout et les femmes aussi !
Jusqu’au 17 novembre 2024
Maison du Port départemental – Étaples-sur-Mer (62)
En Une : Marie Tuck (1866-1947) – Boulonnaises au Soleil – Huile sur toile – Collection Yann Gobert-Sergent – ©Yann Gobert-Sergent
