L’exposition inaugurale dans le nouvel espace d’exposition d’Art Absolument, en plein cœur de Paris, “Elles d’abord !” sera suivie d’un second volet plus axé sur la photographie. Le titre annonce clairement le propos, prenant pour thème les représentations de la féminité par des artistes-femmes de divers horizons artistiques et d’origines très variées, britannique, égyptienne, turque, espagnole, iranienne, malgache.
Choix très éclectique et assumé de Domitille d’Orgeval, commissaire de l’exposition, qui a souhaité “mettre en avant 28 artistes femmes dont les œuvres expriment la volonté de briser les conventions de représentations de la beauté et de la féminité pour se réapproprier leur corps et leur identité”. Mais, ajoute-t-elle, la moitié de l’humanité n’est pas exclue, un versant nommé “Man Only” verra aussi le jour.
Trois thèmes émergent, la détermination, la beauté et la fragilité. Louise Bourgeois (1911-2010) explore les traumatismes liés à la figure paternelle. La jeune Kudzanai-Violet Hwami, née en 1993 au Zimbabwe, dans des tableaux hauts en couleur, aborde la question de la représentation du corps noir. Penny Siopis, née en 1953, dont l’œuvre énigmatique “Pinky Pinky“, inquiétante avec ses débris humains (chair, ongles, cheveux) intégrés dans des prothèses en plastique rose, matérialise un mythe apparu lors de l’apartheid. Helen Rae (1938-2021), artiste sourde et muette s’approprie de manière décalée des photos parues dans des magazines de mode.
La sculpture “Get Hold of This” de Sarah Lucas, des bras en résine rose faisant le geste du bras d’honneur, isolés d’un corps genré, sont une véritable provocation contre la discrimination, de même que le grand dessin d’Agnès Thurnauer qui montre une femme nue donnant un coup de poing dans un tableau abstrait. L’égyptienne Nermine Hammam rend hommage à Frida Kahlo et à Oum Kalthoum, “les femmes que j’admire ou que j’ai voulu devenir”. Manifestation énergique contre les stéréotypes de genre !
Toujours présents en matière de beauté, les stéréotypes sont dénoncés. “Le portrait au miroir“ de Chen Nhu Xuan Hua renvoie dans un miroir de poche le contour du visage d’une femme asiatique, sur fond uni rouge, reflet d’un visage impassible qui semble solliciter le regard de l’autre. Les photographies en clair-obscur, les dessins glamours, les images intimes comme “La femme à la toilette” de Nan Goldin, les représentations de la féminité noire, tout concourt, avec audace et détermination, à l’affirmation d’une réelle conscience des femmes vis-à-vis des diktats sociaux-culturels.
A travers le destin tragique de femmes célèbres, Ethel Kennedy, Marilyn Monroe, et aussi par l’évocation de failles liées à une sensibilité plus introspective, “The ghost she used to be” de Marcella Barcelo dégage une inquiétante étrangeté. Les photos de Degann, née en 1989, soulignent le rapport féminin à la fragilité et le lien complexe entre force et vulnérabilité.
“Elles d’abord !”, exposition ambitieuse et volontairement dérangeante, avec publication d’un beau catalogue, met en avant des artistes reconnus et des artistes en devenir. Belles découvertes !
Le nouvel espace d’exposition d’Art Absolument est autre qu’une galerie, il a plutôt vocation d’être un lieu d’échanges et de dialogue dans le cadre d’une programmation ouverte à la diversité des artistes en France et dans le monde.
Jusqu’au 15 décembre 2024
Espace Art Absolument – Paris 6ème
En Une : Vue d’ensemble
