< retour aux Articles
On en parle

Eugène Dodeigne

Chantal Vérin, le 18 novembre 2024

Exceptionnelle rétrospective à Roubaix

En 1902, l’influent directeur de la revue des Arts décoratifs, Victor Champier (1851-1929), contributeur essentiel, en France, du courant de L’art dans tout, imprime sa marque dans les collections du Musée National de Roubaix : peinture, sculpture, textile, mode et art décoratif… Aujourd’hui la Piscine, Musée d’art et d’industrie André Diligent est une incontournable institution dans le département du Nord, avec une renommée qui dépasse largement les limites de la région Hauts-de-France.

Étude pour méditation

Actuellement une très grande rétrospective propose un portrait d’Eugène Dodeigne (1923-2015), personnalité essentielle de la sculpture française contemporaine, et l’une des figures de proue du Groupe de Roubaix. D’autres grands créateurs, liés à ce terroir, ont nourri le fonds du musée par des donations, et ont fait l’objet d’expositions monographiques d’envergure consacrées à Eugène Leroy, à Jean Roulland et plusrécemment à Marc Ronet, qui vit et travaille dans la région.

Mains levées – Bronze – Coll.particulière – ©ADAGP,Paris 2024 – Photo A.Leprince

Dans le jardin du Musée, le visiteur est accueilli par l’Homme des neiges, une grande sculpture de 1960, dont le visage est creusé de deux profonds sillons qui matérialisent les yeux. Au cours du parcours, les nombreuses silhouettes imposantes, toujours verticales, rappellent que Dodeigne était issu d’une famille de tailleurs de pierre. La “pierre bleue” de Soignies, en raison de ses reflets bleutés, particulièrement dure et difficile à tailler, va devenir la signature minérale de l’artiste. La Pierre éclatée est extraite directement dans la carrière à l’aide d’un maillet, d’une pointe, et d’un marteau-piqueur, pour attaquer la matière, laissant de profondes traces dans des figures lourdes à l’aspect heurté. Une forme d’agressive énergie émane de ces pierres massives, comme dans l’Élan vital, colosse au dos voûté, à la face simiesque. Tendant vers le monumental, elles trouvent majestueusement place dans l’espace public. Le groupe de trois au pot de fer, localisé sur la place devant le musée des Beaux-Arts de Lille, est significatif de l’art puissant de l’artiste.

Homme assis – Huile sur toile – La Piscine – ©ADAGP,Paris 2024 – Photo A.Leprince

Dans les années 60, Dodeigne modèle des figures en cire en vue de concevoir des bronzes. Très vite il maîtrise ces techniques exigeantes et des figures expressives et tourmentées sortent de ses mains. Moins dures que les sculptures de pierre, mais tout aussi puissantes. Il réalise ainsi des torses d’une grande fluidité et de superbes bustes.

Les œuvres des débuts sont chargées d’influences primitivistes avec de délicates statuettes en bois, dont une forte Maternité, auxquelles succèdent des créations plus abstraites. En bois également, et d’une extrême finesse, comme La Femme et l’enfant.

Portrait – 1960 – Lave – 80x70x60 – Coll.particulière – ©ADAGP,Paris 2024 – Photo Alain Leprince

Dodeigne fut aussi un grand peintre. Le grand nu debout, ou Les Têtes, sont des huiles impressionnantes. Il déclare que “le vrai moment de la création, c’est quand même le dessin”. On apprécie ses petites études, spontanées et aériennes, jusqu’à ses superbes grands fusains, nés des séances de pose d’après modèle vivant. Dessins prodigieux d’impact, de souplesse et de présence.

A la fin de l’exposition, sur une grande table, sont posées des figurines en terre provenant de l’atelier : études de formes ou de postures. Assemblées en groupe, elles semblent préfigurer les sculptures à venir.

La photographie a accompagné Dodeigne toute sa vie. Une véritable mise en scène de ses sculptures, éclairant le dialogue qu’elles entretiennent avec l’espace environnant, est à découvrir dans les cabines du premier étage du bassin.

Jusqu’au 12 Janvier 2025
La Piscine – Roubaix (59)

En Une : Portrait d’Eugène Dodeigne par Denise Colomb – Photo Ministère de la Culture – Médiathèque du patrimoine et de la photographie