La rétrospective à la Fondation Cartier de la Colombienne Olga de Amaral, née en 1932, fera date. La scène latino-américaine célèbre depuis longtemps cette singulière créatrice en art textile. A 92 ans, la voilà enfin exposée à Paris. Au fil de 90 œuvres créées entre les années 1960 et aujourd’hui, magnifiquement mises en valeur par la scénographe Lina Glotmeh, une vibrante chorégraphie s’offre au regard émerveillé du public.
Olga de Amaral est née en Colombie en 1932. Diplômée en architecture, elle quitte son pays en 1954 pour étudier dans le Michigan, section Tissage et Design, et s’ouvrir au travail des grands designers d’après-guerre. Selon les principes du Bauhaus, l’enseignement repose sur l’abolition de la séparation entre artiste et artisan. L’architecture et les textiles précolombiens du Mexique et du Pérou ont été, dès les années 1930, la source de principes sur lesquels s’appuie l’abstraction moderniste. Olga de Amaral développe un intérêt profond pour la couleur, la composition, la géométrie, les matériaux divers, et les expérimentations radicales. Elle entretient un rapport charnel avec le riche paysage culturel de son pays et de la zone géographique où elle a passé la majeure partie de sa vie. La luxuriante végétation tropicale, les savanes arides au pied des montagnes des Andes, et les façades colorées des habitations lui ont laissé une forte impression. En 1965, de retour en Colombie, elle fonde et dirige le département textile de l’université des Andes à Bogota !
L’artiste a toujours travaillé avec des tisserandes d’origine autochtone, aptes à transmettre l’infinie variété des méthodes artisanales utilisées par leurs ancêtres quechuas. Elle s’imprègne des techniques ancestrales, fabrique elle-même ses fils et les teinte à la main avec des colorants naturels, conception artisanale qui lui donne une grande indépendance ainsi qu’une grande liberté dans le rendu des textures et des couleurs.
Les tapisseries, loin d’être décoratives, construisent l’espace, et créent l’architecture du lieu. Elles rappellent la nature nomade du tissu, l’une des premières formes d’architecture portative des sociétés traditionnelles. Cloisons suspendues, rideaux et divers textiles destinés à organiser l’espace qui deviendront des modes d’expression sculpturale dans les années 1960. Olga de Amaral, dans une démarche pluriculturelle, sollicite la mémoire, ravive et réinvente les traces du passé, et les confronte aux possibilités offertes par les tissus au design d’intérieur. Elle sera la seule artiste latino-américaine à se faire connaître au sein des réseaux internationaux du Fiber Art américain et de la Nouvelle Tapisserie européenne qui placent les œuvres textiles dans le champ de l’art contemporain.
L’accrochage commence au rez-de-chaussée. Des pièces en fils de coton enduits de gesso (stuc) et recouverts de peinture acrylique sont suspendues dans l’espace, tels des nuages de pluie, révélant des formes géométriques colorées et mouvantes qui se reflètent dans les baies recouvertes d’un film réfléchissant. L’immersion est envoûtante.
Dans une autre salle, on déambule entre des parois de monumentales tapisseries hautes en couleur. Dans les années 1970, Olga de Amaral joue avec de nouvelles matières et techniques. Elle mélange diverses fibres végétales, lin, coton, parfois laine, mais aussi papier de riz, “gesso”, crin de cheval, et même le plastique (Luz blanca). Les fils sont noués, tressés, enroulés. Elle réalise des structures de tissage complexes, comme dans les Entrelazados constituées de bandes et de rectangles tissés de couleur et d’épaisseur variables qui s’entrecroisent. L’endroit de l’œuvre dévoile la variété et le chatoiement des couleurs, l’envers la matérialité des fibres utilisées, les nœuds, les irrégularités inhérentes à un travail manuel.
Dans le sous-sol plongé dans l’obscurité, l’enchantement se poursuit. Des premières œuvres des années 1960 aux créations les plus contemporaines, l’étage permet de découvrir toute la richesse des explorations de l’artiste. Une trentaine de pièces relatent l’expérimentation autour des techniques, des matières et des couleurs (jaune, orange, brun) issues du spectre automnal, et la recherche de la lumière dans les pièces où dominent l’or et l’argent. La feuille d’or devient dès le milieu des années 1980 l’un des matériaux de prédilection. Les autels couverts d’or des églises baroques espagnoles et la découverte au musée de Bogota de l’or précolombien hantent les souvenirs d’enfance d’Olga de Amaral. Les stèles dorées des Estelas, composées d’une structuretissée en coton rigide recouvertede feuilles d’or, et gravées d’écritures cunéiformes, se dressent comme des mégalithes, et rappellent les sculptures funéraires des grands sites archéologiques précolombiens. Chacune des pierres raconte une histoire atemporelle dans un langage mystérieux. « Une pierre recèle le secret de l’univers… Avec leur taille imposante et leur dignité, elles sont les maillons reliant la terre au ciel, la chair à l’esprit ».
Jusqu’au 16 mars 2025 Fondation Cartier – Paris 14ème
En Une : « Brumas » – Lin, gesso, acrylique, papier japonais et bois – Collections Fondation Cartier
Résumé de la politique de confidentialité
Ce site utilise des cookies afin que nous puissions vous fournir la meilleure expérience utilisateur possible. Les informations sur les cookies sont stockées dans votre navigateur et remplissent des fonctions telles que vous reconnaître lorsque vous revenez sur notre site Web et aider notre équipe à comprendre les sections du site que vous trouvez les plus intéressantes et utiles.
Cookies strictement nécessaires
Cette option doit être activée à tout moment afin que nous puissions enregistrer vos préférences pour les réglages de cookie.
Si vous désactivez ce cookie, nous ne pourrons pas enregistrer vos préférences. Cela signifie que chaque fois que vous visitez ce site, vous devrez activer ou désactiver à nouveau les cookies.