L’Apocalypse, notion obscure qui fait peur, traverse depuis deux mille ans nos cultures et nos sociétés occidentales. Associé à un imaginaire de catastrophe et de fin du monde, le mot d’origine grecque signifie étymologiquement “révélation”, “dévoilement”. Mot d’espoir dans un monde égaré ?
La Bibliothèque nationale de France, site François Mitterrand, consacre une très forte exposition au thème de l’Apocalypse, du récit biblique avec l’instauration du Royaume divin jusqu’aux plus inventives représentations contemporaines.
Les prestigieux manuscrits enluminés d’origine ibérique et le Beatus de Saint-Severdatant du XIème siècle, avec ses 292 feuillets de parchemin et sa centaine d’enluminures, trésor inestimable de la BnF, constituent une saisissante transcription visuelle des épisodes les plus importants du récit de Jean. Dans un enchaînement non linéaire qui mêle passé, présent et futur, les tableaux visionnaires dialoguent avec les textes pour construire un discours exégétique inédit. De nombreux symboles aux allures animales (lion, agneau, sauterelles), chromatiques (le rouge et l’or), élémentaires (le feu et l’eau) ou numériques, cryptent le texte et renforcent son caractère hermétique éloigné de toute temporalité.
La chronologie, inexistante, fait place à une structure organisée en “septénaires” : l’ouverture du septième Sceauinitie le cycle des sept Trompettes, suivi de l’apparition du Dragon écarlate à sept têtes et dix cornes, et de sept Anges déversant sept Coupes remplies de la colère divine. Enfin les sept Fléaux auxquels succèderont la Chute de Babylone et le Jugement dernier, avant que ne resplendisse la Cité Céleste faite d’or et de transparence.
En préambule, outre les précieux manuscrits, des fragments de la Tapisserie d’Angers, un panneau en ivoire sculpté considéré comme la première représentation du Jugement dernier et d’admirables pièces muséales témoignent de l’iconographie médiévale. L’exposition suit ensuite un fil chronologique à partir des 15 grandes xylographies, foisonnantes de détails, de Dürer (1471-1528), jusqu’à notre contemporaine Kiki Smith, en passant par nombre d’artistes qui se sont emparés du thème pour être de leur temps.
Certains motifs emblématiques perdurent même dans des époques moins religieuses. Ainsi, au 17ème siècle, Jacques Callot “ses misères”. Au 18ème siècle, William Blake avec “Death on a Pale Horse” et au 19ème, Gustave Moreau avec “La Parque et l’Ange de la Mort” reprennent le thème du Cavalier. Francisco de Goya (1746-1828) dépeint les “Désastres de la guerre”, plus tard Victor Hugo et Gustave Doré évoquent des déluges de feu. EnfinJames Ensor (1860-1949) peint “Un Ange exterminateur“.
Yüksel Arsian – « La Guerre“ – Vers 1894 – Musée d’Orsay, Paris
Le vingtième siècle, secoué par deux guerres mondiales, la bombe atomique et les menaces écologiques, a fait ressurgir le récit apocalyptique à travers la féroce dénonciation des horreurs de son temps par Otto Dix. Vassily Kandinsky, Picasso, Natalia Gontcharova, Zoran Music, Jean Fautrier, Unica Zürn et Judit Reigl, ont écarté tout espoir.
Contemporaine, la dernière partie de l’exposition pose la question du “jour d’après”. Miriam Cahn répond par “Atombombe“, Anne Imhof par la représentation dévastatrice d’un nuage explosif, Hicham Berrada par la disparition de toute trace dans les paysages du futur. Kiki Smith, elle, préfère la vision d’un “Eden” retrouvé, ouvert et accueillant, quand “Infinito“ de Luciano Fabro pose à même le sol une sculpture d’acier et de marbre, signe de l’infini.
Tacita Dean – “The Book End of Time » Courtesy the artist – Photographie Pinault Collection, Paris
En prolongement de l’exposition, le catalogue ”Apocalypse. Hier et demain”, sous la direction de la commissaire Jeanne Brun, propose une déambulation rythmée d’extraits littéraires nourris de références et de correspondances avec le texte originel, de Hölderlin à Ingeborg Bachmann, poétesse des ténèbres et de l’espérance.
Jusqu’au 8 juin 2025 BnF – Site François Mitterrand – Paris 6ème
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