Art et Animalité
Cet artiste de Metz peint et enseigne la peinture. A voir ses œuvres au cœur du vieux Troyes, on envie ses étudiants. Si l’animal est son territoire habité de création, sa picturalité impressionne. Chez Matthieu Gauthier, on est aux confins du cliché animalier, et son art d’impact déborde de pure créativité. Ses sources, de Vinci à Bacon en passant par Rembrandt, lui confèrent une enviable densité créatrice.
Chaque animal peint – et ce dans la planète entière – relève du portrait, et des yeux envoûtés, comme des cibles, occupent le centre de la toile. Immenses, les yeux trouent l’obscurité, sinon les ténèbres de l’univers. Il s’agit d’un animal mythique, intemporel et surgissant qui semble émerger d’un maelstrom archaïque et magicien. Il toile l’humain dans un face à face d’une étonnante puissance. Quelque chose de monstrueux accidente l’étendue, comme la démonstration d’une implacable et nécessaire altérité. Et la silhouette de l’animal naît d’un fabuleux chaos graphique et pictural qui semble venir de la nuit des temps.
La matière de Matthieu Gauthier, qui milite pour le respect des animaux, est sauvage, première et d’une impressionnante puissance. Toute l’énergie d’une terre libertaire semble prise à l’état naissant. Et l’animal, gorille ou lion, n’est pas pris en étau. Au contraire, il règne, et semble totalement porté par l’élan qui secoue l’inertie du monde.
Noblesse mentale, noblesse animale et noblesse des matériaux s’accompagnent chez l’artiste, et font voyage intemporel et vital, tant les formes animales, ici densifiées, dépassent les mémoires humaines. Elles sont lieu de toute humanité. Les animaux sont notre solitude habitée. Ils méritent donc la terre et nos regards.
Peinture et animalité vivante s’étreignent ici au profond.
Jusqu’au 23 février 2025
Maison du Boulanger – Troyes (10)
En Une : Black panthera – 2024 – Huile sur toile brute – 170x140cm
