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On en parle

Abelle Sauvat – Paysages fantasmagoriques

Aralya, le 29 novembre 2024

C’est au Salon du Paysage de Mortagne au Perche que nous avons découvert le travail d’Abelle Sauvat. Nous avons eu immédiatement un faible pour ces tableaux qui sont de véritables pièges pour le regard qui s’y égare. Suivez-nous pour une belle rencontre où il est question de temps suspendu et d’émotion intime.

Exposition Art en Perche 2024

Dans cet espace d’exposition, les tons sombres de la palette d’Abelle Sauvat vibrent de lueurs inattendues. On se surprend à laisser aller notre imaginaire dans ces grandes étendues telluriques ! Alors que nous nous interrogeons sur la force de ces tableaux, l’artiste nous livre une histoire des plus étonnantes ! 

Née dans une famille d’artistes, Abelle a baigné dans un univers tourné autour de la culture, la littérature, la musique, le dessin, depuis sa plus tendre enfance. Chez les Sauvat on est imprégné d’art ! On vit avec et pour l’art de grands-parents en parents, de mère en fille, fils… (Le frère d’Abelle, Jean-Louis Sauvat est un artiste connu et reconnu. Ndlr)

La voie d’Abelle était toute tracée, sa mère la prédestinait à devenir conservatrice de musée ! Inscrite à l’École du Louvre, elle refuse d’y aller et s’inscrit aux Beaux-Arts. Bien que passionnée par le dessin et la peinture, elle va devenir restauratrice de tableaux…. A 40 ans, ni une, ni deux, elle décide de ne plus se consacrer qu’à la peinture, sa grande passion de toujours. Elle plonge dans l’inconnu avec la foi du charbonnier et l’audace d’une femme qui prend son destin en main. « Très vite, j’ai eu le sentiment d’avoir fait le bon choix ! j’avais vraiment besoin de m’exprimer picturalement… je suis partie en Provence, ces paysages m’étaient familiers, cette végétation, ces couleurs et la Sainte Victoire que j’ai peint pendant des jours…“ 

Mais où l’histoire devient étonnante et quelque peu magique… c’est quand, par une série de hasards de l’existence, Abelle va se retrouver en Allemagne du Nord, dans la région entre Brême et Hambourg, la Teufelsmoor (tourbière silencieuse, Ndlr). Tout de suite, elle tombe amoureuse de ces “marais du diable”, de leur atmosphère mystérieuse… Et… encore par hasard… ou pas… elle va comprendre à quel point ce lieu est intimement lié à sa vie. En effet, c’est ici, que pendant la seconde guerre mondiale, le camp de concentration de prisonniers de guerre de Sandbostel avait été installé. Camp dans lequel son père avait été emprisonné et libéré à la fin de la guerre ! Un choc émotionnel, décisif dans son travail.

La région des tourbières – ©Photos Abelle Sauvat

Aujourd’hui, l’artiste partage son temps entre sa maison dans le Perche où elle savoure les plaisirs d’une nature luxuriante et la Teufelsmoor où elle arpente les landes humides. 

Vous l’aurez compris, notre artiste est profondément attachée à la terre nourricière, amoureuse de la nature. “La nature c’est mon moteur, pour moi il est impossible de vivre enfermée…“ C’est l’énergie de tous les éléments qu’elle cherche à transmettre et l’alchimie de la terre où fusionnent l’organique, le minéral, le végétal.

Ombres et lumières – Fusain – 2023 – 100×81 cm

Les tableaux d’Abelle ne sont pas que la simple représentation de paysages. Ce sont plutôt des images construites qui essaient de traduire la profondeur des silences. Chaque série nous entraîne vers ces lieux lyriques… lieux où les émotions sont au paroxysme de leur intensité. Partout il y a une sorte de présence lumineuse et spirituelle qui oblige à regarder cette peinture de l’intérieur. Ces “terres tourbeuses” portent l’espoir parce que l’essentiel n’est pas visible. C’est toute la force de cette peinture qui nous immerge pendant quelques instants dans l’infini du monde ! 

Vue de l’atelier

Dans le secret de son atelier, l’artiste renouvelle sans cesse son langage. Dans une nouvelle série, elle libère un lyrisme vibrant où les couleurs enfantent des formes mystérieuses qui frôlent la figuration. Nous voilà au cœur du combat éternel entre les ténèbres et la lumière. Toujours cet équilibre fragile entre ciel et terre où tout peut basculer rapidement. L’immobilité, le temps, le silence, la méditation existentielle. Un mélange mystérieux et subtil. 

Grand Paysage – Huile sur papier marouflé sur toile – 2021 – 116×89 cm

Il y a de l’intemporalité émotionnelle dans ces images troubles aux atmosphères sombres. Abelle Sauvat sait si bien traduire les odeurs et les forces telluriques, aux confins d’une représentation entre figuration et abstraction, empreinte d’une majestueuse profondeur. 

En Une : Arbre bleu – Huile sur toile – 2023 – 116×89 cm