Comment avez-vous passé le confinement ? A-t-il modifié votre création ?
A Paris. Avec ma compagne Agnès. Pendant cette période, je me suis interdit de sortir. J’ai mon atelier au rez-de-chaussée, et j’ai travaillé tous les jours, comme j’ai l’habitude de le faire. Je suis donc resté enfermé avec mon travail. Par contre, pour l’atmosphère, l’ambiance, je ne me suis pas senti très bien, ce n’est plus comme avant…
Sur le fond, le confinement imposé n’a pas rien modifié. Mon travail n’est pas médité. Une touche en appelle un autre, et ainsi de suite, toujours dans l’hésitation. Je serais presque jaloux des peintres qui ont un processus de travail dans la tête et qui savent parfaitement où ils vont. Chez moi, la création se fait au fur et à mesure, et sans plan initial.
Ce qui a changé tout de même, c’est d’essayer artificiellement d’aller dehors. J’ai donc dessiné une piscine et des gens en train de nager comme un remède au confinement, une sorte d’échappatoire. Hélas, pas vraiment efficace.
Je crée pour découvrir une réalité que je ne connais pas. Si je ne peins pas, cette réalité n’existera pas. En 1956, j’étais à Tel-Aviv, à l’Institut d’Art. Au départ, je pensais, avec l’expérience, qu’on pouvait tout apprendre. Mais, à ma grande déception, je constate que plus je travaille, plus j’ai de doute, plus j’hésite, et ne sais pas où je vais. Quand je mets un tableau en route, je ne sais pas combien de temps il me faudra. La création est de plus en plus exigeante.
Certains pensent, qu’après cette crise, des éléments positifs émergeront, avec davantage de sensibilité et de culture, et moins de superficialité.
J’aimerais qu’ils aient raison. Mais je ne vois pas ce qui va nous faire changer. Le poids de l’économie et de l’argent… Je reste donc pessimiste, rien de vraiment nouveau va apparaître. Peut-être la possibilité que les gens reviennent vers le vrai «voir», et vers les galeries, par exemple, mais trop peu de gens sont dans ce cas… Trop d’artistes vont devoir se débrouiller, au risque de négliger leur création.
Dans un tableau, je me mets personnellement dedans. Si l’une de mes toiles était détruite par le feu, par exemple, et qu’un petit morceau subsistait, je serais tout entier présent dans cette trace…