Entre une “pure“ œuvre d’art et l’incalculable nombre de photographies prises chaque jour dans le monde, infinies sont les nuances et les ambiguïtés.
Mais le dilemme n’a plus lieu d’être : la création photographique est un art à part entière. On pourrait même s’interroger sur la part grandissante de cet art récent dans la production contemporaine. Galeries, salons et foires d’art. consacrent la photographe. Les différences, naguère constatées entre peinture et photographie, (cf le formidable groupe Transfiguring) entre art numérique et. photographie, voire entre sculpture et photographie, (Van Lamsweerde) n’existent plus. Du pur maître plasticien (de Michel Kirch à Gregor Podgorski) à la plus belle expressivité expressionniste (d’Olivier Mériel à Alexandre Anosov, qui a exposé à plusieurs reprises en France), du portrait somptueux (Yves Guccia) à la présence énigmatique (Hervé Robillard) le registre plastique ouvert par les créateurs photographes est sans limite. Il apparaît même que la fluidité des procédés mis en œuvre par la photographie, multipliée par l’ère numérique, permette à court terme l’aventure de domaines encore inexplorés. Et dans un monde qui va trop vite, la photographie devient mémoire implacable et vitale. Sans elle, pas de Land art, pas d’installations éphémères, et, pas de regard artiste sur la passante réalité. Plus que tout autre forme d’art, la création photographique permet le partage…
Cependant le contenu d’une création est et sera toujours du domaine du regard et des exigences esthétiques, fussent-elles largement évolutives. Le danger qui guette les créateurs actuels est celui de la fascination de la nouveauté, et de la dispersion. Expérimenter et créer ne sont pas identiques… Dans la plupart des écoles d’art, la photographie et l’art numérique ont hélas supplanté l’art ancien du dessin, la maîtrise intériorisée de la forme porteuse de sens, et la capacité d’inventer sa propre langue artistique. La photographie, à l’évidence, est un art majeur. Elle a le vent en poupe, et les sirènes de la modernité ont beau jeu d’attirer nombre de jeunes créateurs. Mais quand « trop d’images tue l’image », l’attirance pour la photographie, auprès de nombreux jeunes dans le monde entier, pourrait avoir des effets pervers sur la qualité de la création, en phase trop fusionnelle avec le flot monstrueux de visuels circulant sur la planète.
L’artiste prend ses distances avec la séduction des apparences, et les fragiles surfaces de la modernité. Ce qui, paradoxalement, rend la création photographique plus exigeante.
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