Si l’art sacré n’encombre pas les cimaises des hauts lieux de l’art contemporain, nombre d’artistes de notre temps relient création et spiritualité, et disent l’impérieuse nécessité de faire entendre la voix d’un sacré humaniste et artistique, pluriel et ouvert, porteur de paix, de dépassement de soi et de beauté, dans un esprit premier de partage et de rencontre. Il s’agit aussi d’ouvrir sans limite les frontières du dehors et du dedans. Une cathédrale est un sublime lieu d’exposition. Belle pluralité créatrice de l’exposition troyenne, chargée d’âme jusqu’au tréfonds, et ouverte, comme il se doit, à tous les publics.
Pour Dominique Roy, initiateur de l’exposition et recteur de la Cathédrale,« les œuvres d’art se prolongent toujours par le regard que l’on porte sur elles ou par les émotions qu’elles suscitent. Puisse cette exposition permettre à chacun de la faire sienne et d’en partager le message et l’âme.«
Chez Nicolas Alquin, le contact immobile et décisif avec le bois nu de l’univers est une constante heureuse et prodigieuse. L’artiste ose s’alléger de la pesanteur, quittant les masses urbaines pour s’élancer dans l’espace. Intégrant hier et demain, la matière et la main, le chaos et l’ordre, son art vertical revient à s’imprégner de cette impossible et fascinante synthèse. Nicolas Alquin s’en approche, créant son univers traversé d’espace et d’intimité, et vivant sa propre synthèse. Accomplie, sa sculpture est à la fois contemporaine et sans âge, merveille de dignité et d’élan retenu.
Blancheur d’ascèse chromatique et dénuement graphique chez Évelyne Huet. Ses grands visages emplis d’étendue bousculent nos certitudes. Ces miroirs d’âme interrogent nos silences. Ils sont nos doubles incertains qui s’ouvrent à la lucidité et questionnent l’époque. En douceur apparente et dans l’insidieuse présence d’un art sans complaisance, aigu et agissant. Evelyne Huet dit l’impérieuse nécessité du dépouillement pictural. Ses figures trouent le vide, dans l’imminence d’une autre naissance, et dans l’attente d’une autre humanité…
Chez Michel Madore, la trame de l’œuvre est une peau infiniment vieillie, infusée de la mémoire de tous les passés… Le corps de passage est fragile chemin d’univers, et seules les traces perdurent. La trace consume le sens, et l’art est l’espace ouvert où se joue l’autre pensée. Seul l’ailleurs peut féconder le vide. Michel Madore refuse la tyrannie sommaire du signe, et son trait n’enferme jamais. D’une fluidité nuageuse et gestuelle, il libère les enveloppes corporelles, qui s’agitent au fond des espaces du dedans. Dans ce langage d’effacement, quand a disparu l’apparence épuisée de la chair, résistent à jamais, dans cet art aigu, la nostalgie des signes, les voies éblouies, et les sillages perdus.
Jusqu’au 30 juin 2024 13ème Festival Art et Spiritualité – Cathédrale de Troyes (10)
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