Désormais bien installée dans le paysage national, la 26ème édition d’Art Paris vient de fermer ses portes. Pour Guillaume Piens, commissaire général, cette foire de “dimension locale et internationale” doit “rester une foire d’exploration”. À l’issue d’une sélection exigeante, 136 galeries d’art moderne et contemporain, issues de 25 pays, ont été retenues, dont près d’une quinzaine qui avait participé, l’automne dernier, à la foire de référence Paris+Art Basel.
La foire qui compte assez peu de solo shows spectaculaires (quelques magnifiques André Masson chez Jacques Bailly ou des Jean Hélion chez Trigano), soutient tous les niveaux de création, de l’excellence à l’artisanat d’art de qualité, à travers des sections bien différenciées. “Promesses” s’adresse à des jeunes galeristes, “Fragiles Utopies” jette un regard sur la scène française. Le parcours “Art & Craft”, largement représenté, favorise la présence d’œuvres d’art en lien avec les savoir-faire artisanaux.
Mouvement né au Royaume-Uni à la fin du XIXème siècle, “Art & Craft” (Art et Artisanat) avait pour vocation de promouvoir la valeur artistique de l’artisanat et du travail manuel. Ce courant, d’influence majeure, a servi de base à d’autres tendances internationales comme le constructivisme russe, le Bauhaus allemand, ou le Mingei japonais, et continue d’inspirer la scène artistique contemporaine. Dans cette section, Nicolas Tremblay, commissaire indépendant, particulièrement enthousiasmé par une sculpture d’Océanie présentée chez Jeanne Bucher Jaeger, a invité 20 artistes internationaux représentatifs de ce courant. Le parcours permet de découvrir des pièces d’exception, inspirées de traditions vernaculaires et de savoir-faire artisanaux. Grande ouverture sur une création, où désormais, suivant une pente contemporaine, la limite entre art et artisanat s’estompe.
Laura Capazza, sur le stand de sa grande galerie, nuance ce propos. Les pièces en grès de Jacqueline (1920-2009) et Jean Lerat (1913-1992), présentées en solo-show, s’appuient certes sur le savoir-faire artisanal et professionnel des deux céramistes établis dans le célèbre village de potier de La Borne (18), mais les céramiques, éloignées de toute fonction utilitaire, et en exemplaires uniques, ont évolué vers le statut d’œuvres d’art abstraites à part entière.
La Coréenne Jane Yang-d’Haene de la galerie Bienvenu Steinberg fabrique des “jarres-lunes” inspirées des traditionnelles jarres historiques de stockage d’aliments. Façonnées de manière classique au départ, elle leur fait subir des mutilations, des réparations et des “cicatrices” personnelles. Détournement et inimitable appropriation.
Les artistes élisent un matériau plus ou moins noble, terre, bois, chanvre, verre, textile, fibres végétales, s’en emparent, le subliment et le magnifient.
En matière de tapisserie, le catalan Josep Grau-Garriga(1929-2011) assemble librement les textures, ajoute de nouvelles matières, laine, jute, soie, et boursoufle de volumes organiques son étonnante sculpture murale.
Jean-Marie Appriou, de la galerie Perrotin, manifeste un intérêt particulier pour des matériaux tels que l’aluminium, le verre, l’argile ou la cire. Un visage de Baudelaire en verre soufflé, modelé avec la précision d’un masque mortuaire, semble reprendre vie à travers des couleurs de ton rouge finement intégrées.
Les “GE-BA” sur la galerie Françoise Livinec, ou “peintures de tissus”, sont confectionnés à partir de chutes de vêtements recyclés, assemblées avec de la colle de riz. Les compositions, proches de l’abstraction, vont bien au-delà de l’art de la récupération pratiqué par les femmes dans la Chine pauvre, à l’époque de la Deuxième guerre mondiale.
Plus ludique est le stand éclectique de la jeune galerie Ketabi Bourdet, qui expose la “Chaise Prince Impérial”, sorte de trône africain en bois et raphia, du duo Garouste et Bonetti. Moquette rose et fauteuil vintage de Philippe Starck confèrent à l’ensemble une touche joliment excentrique.
Si Art& Craft jette des ponts entre les beaux-arts et les arts appliqués, valorisant plus spécifiquement la céramique et le tissage, il crée également des passerelles entre les continents et les époques. “J’ai voulu exposer des artistes historiques pour rappeler que les savoir-faire ont toujours existé, et montrer que les nouvelles générations ont une filiation”, conclut Nicolas Tremblay.
L’aventure continuera en 2025 au Grand Palais.
Du 4 au 7 avril 2024 Grand Palais Éphémère – Paris
En Une : Chaise Prince Imperial – Galerie Ketabi Bourdet
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