Elisabeth GILBERT DRAGIC
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Portrait ©Bruno Paccard
Elisabeth GILBERT DRAGIC
Bio
“Je peins des fleurs grand format !” c’est ainsi qu’Elisabeth Gilbert Dragic présente de prime abord son travail. De quoi dérouter sur une scène artistique où la fleur, soit désuet, peinture de tradition lyonnaise oblige, ou kitsch, façon Koons ou Murakami, reste un motif difficile à assumer. Passés les clichés, on pense à Georgia O’Keeffe, dont la première rétrospective française, grenobloise, en 2016 a permis de redécouvrir ses fleurs veloutées, aux parfums érotiques et sensuels.
Il y a de cela dans la peinture d’Elisabeth Gilbert Dragic sous laquelle affleure aussi une certaine fragilité ; la peau des choses qui se meurt et flirte avec la vanité. Sa peinture fine, cristalline, joue des transparences ; le grain d’une beauté qui se fane sous une brume picturale, un flou poétique – la juste imprécision – comme quelque chose qu’on toucherait du doigt avant l’évanescence. Incisive tout en évitant la netteté des contours, elle dépose un voile, un non-dit, un indéfinissable lové dans les plis des corolles. Charnu, charnel, l’intime tend vite à la démesure, porté aux nus, le temps peut-être d’une mise au point. L’outil photographique constitue d’ailleurs la première étape de son processus. Elle piège d’abord derrière l’objectif le dernier souffle des fleurs, la transmission d’un vécu, sélectionne puis retranscrit cet entre-deux dans une touche poussée à l’extrême, aux allures parfois hyperréalistes – couleur “mort-rose”- . Les regards ainsi se troublent, sous l’esthétique d’un mentir vrai, quant au détour d’un tondo, le spectateur devient voyeur, témoin ou défloreur…
L’artifice est redoublé lorsque les fleurs, presque inertes, sont recouvertes de matière. L’artiste les plonge dans la peinture fraîche, leur donnant ainsi une dimension sculpturale : les fastes déluges comme elle les appelle. Figées là encore par le médium photographique avant d’être peintes, la mise en abîme se poursuit et les supports se confondent : fleurs de céramique ou de porcelaine ? De nouveau vulnérables, froides, cassantes, – fragment d’épines – ou alors juste séduisantes, acidulées, pop en morceaux de plastoc, quoiqu’un peu écœurantes. Elles posent pour un dernier cliché : modèle sur papier glacé – version vieilles peaux ! – C’est justement l’enveloppe corporelle qu’elle façonne pour ses Boutons de chevreuil, ses Roses sanglier qui constituent une autre facette de son œuvre. Ses fleurs animales viennent nous rappeler la communion entre les règnes, le patrimoine génétique commun. Elisabeth Gilbert Dragic se plait à sortir du cadre pictural au profit de l’installation ou de la performance comme quand elle sacrifie un cochon, selon la coutume rurale, pour partager le repas avec les habitants et offrir à la peau de l’animal une vie nouvelle. Sa démarche est complète, prend alors une veine plus cérémoniale, rituelle.
Laëtitia Blanchon, Historienne de l’art
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