Sur le site Richelieu, berceau historique de la BnF, l’artiste Barthélémy Toguo, né en 1967 au Cameroun, présente une sélection de ses œuvres en regard des collections extra-européennes de la Bibliothèque, mises en valeur dans la galerie Mazarin sur la thématique « Le monde pour horizon ».
Le regard voyage dans le temps et dans l’histoire des relations entre les peuples et des échanges interculturels entre l’Europe et les autres civilisations, depuis le Moyen-Âge jusqu’au XXème siècle. Sujet aussi vaste qu’inépuisable…. Plus de 300 objets pour relater l’invention de l’imprimerie en Asie et en Europe, les traditions cartographiques occidentales et arabes, l’égyptomanie, l’orientalisme, l’art des peuples d’Afrique subsaharienne et son influence sur les avant-gardes artistiques, etc… Œuvres et objets d’une valeur inestimable se succèdent, de la lettre à François Ier écrite par Soliman Ier à la gravure sur bois d’Hokusai “Sous la vague de Kanagawa“. Le portrait de l’émir Abdel Kader et les documents illustrant la colonisation sont en bonne place.
A une époque où la porosité entre les groupes culturels est plus importante que jamais, le travail de Barthélémy Toguo, issu d’une culture a priori différente, interroge le dialogue entre les cultures. L’artiste camerounais est présent dans des musées internationaux, jouit d’une réputation bien établie pour avoir peint une fresque dans le métro parisien et installé un “Pilier des migrants disparus“ sous la pyramide du Louvre. Sous le commissariat d’Hafida Jemni Difolco, ses œuvres d’une grande variété s’intercalent entre les trésors de la BnF. De la représentation des personnalités éminentes de l’histoire africaine, Nelson Mandela, Amilcar Cabral, Malcom X, aux dessins à l’encre, vases de porcelaine géants réalisés en Chine, porcelaines émaillées conçues à Malaga. De la gravure sur bois, “La rivière a beau être à sec, elle garde son nom“, au joli bois tropical sculpté “Bilongue“. Et des livres aux cartes postales.
Certaines pièces prennent un caractère politique. L’installation réalisée en 2018, “A Book is my Hope“, attire l’attention sur le sort réservé aux manuscrits de Tombouctou. “Le caillou Zelenski“, inspiré de la pièce muséale “Le caillou Michaux“, stèle en pierre noire trouvée près de Bagdad qui porte des inscriptions en caractères cunéiformes, fait bien sûr écho à l’actualité.
Barthélémy Toguo, devenu citoyen français, reste profondément enraciné au Cameroun, où il a créé une fondation, lieu de rencontre entre l’art classique africain et l’art contemporain mondial.
Pour lui, citoyen du monde, les questions de migration et d’exil forcé sont centrales. La liberté de circuler est ainsi limitée par des frontières, des visas et autres règlementations qui soulignent les tensions entre propriété individuelle du corps et contraintes socio-politiques. De gros tampons en bois illustrent les déplacements en Terra incognita, synonymes d’obstacles et de contraintes insurmontables, voire de drames pour beaucoup. Les formulations administratives sont détournées, remplacées par des slogans militants. Sont ensuite réalisées des estampes.
On attend avec impatience l’installation prochaine de la sculpture en bronze “Caring for memory“, qui sera installée dans le jardin Vivienne, conviant le visiteur à une méditation autour de l’histoire et de ses traces.
Jusqu’au 7 septembre 2025
BnF-site Richelieu – Paris 2ème
En Une : Galerie Mazarin – ©Mario Ciampi avec l’autorisation de Giucciardini&Magni architetti, Firenze
