Largement connue pour son « Île des Impressionnistes », la ville de Chatou, située dans les Yvelines sur une rive préservée de la Seine, est maintenant dotée d’un nouveau musée d’une tout autre nature.
Établi dans un bel hôtel particulier de style Second Empire, rénové dans le respect de son intégrité architecturale, et repensé à l’intérieur pour sa nouvelle vocation, le musée d’Art et de Culture Soufis est le premier musée au monde entièrement consacré à la richesse artistique et culturelle du soufisme. Les collections du MACS, de plus de 300 objets, révélant toutes les formes d’expression et une bibliothèque d’ouvrages et de manuscrits rares, offrent au public un accès au patrimoine, aux enseignements, à l’histoire et aux valeurs du soufisme. Cette discipline est apparue dès le VIIème siècle dans certains textes de l’Islam. Académiquement définie comme la dimension mystique de l’Islam, elle est, selon les soufistes, une voie pour la connaissance intérieure, intrinsèquement liée à la connaissance divine.
Le projet du musée est ambitieux : outre une présentation du soufisme sous l’angle historique et social, « le Musée crée un espace de dialogue entre les publics et les artistes pour les personnes de toute confession ou sans appartenance religieuse », précise Alexandra Baudelot, directrice et commissaire de l’exposition inaugurale « Un ciel intérieur », titre se référant à la pensée d’Henri Corbin, philosophe spécialiste du soufisme.
Artistes contemporains et penseurs pluridisciplinaires de différentes origines (Moyen-Orient, Asie, Afrique, Amérique du Nord et Europe) sont invités à s’exprimer, en vis-à-vis d’objets symboliques muséaux. Dans cet espace inspirant, les œuvres créées spécialement pour l’occasion reflètent une quête intérieure universelle. L’exposition se déploie sur les trois niveaux du musée en un voyage ascensionnel. Elle culmine dans le « gonbad », le dôme, où est installé un dispositif sonore immersif. Des compositions méditatives, jouées au sétâr et à la harpe, vers poétiques chantés en persan et en arabe, célèbrent l’harmonie, la beauté, l’amour et la sagesse, thèmes chers à Jalal al-Din Muhammad Rumi, au XIIIème siècle.
Pour l’artiste iranienne Monir Shahroudy Farmanfarmaian (1922-2019), renommée pour ses fascinantes mosaïques de verre taillé aux figures complexes, le soufisme n’était pas un concept étranger. De son héritage culturel, son oncle était darvish, et de sa découverte des miroirs du XIIème siècle de la mosquée de Chiraz réalisés par des artisans anonymes, elle connaissait la valeur symbolique des figures géométriques, du triangle au dodécagone, et leurs infinies combinaisons et interprétations. « Triangle » est une sculpture exceptionnelle dont la surface réfléchissante et changeante laisse apparaître les motifs qui entrent et sortent du champ de vision.
L’œuvre de la Thaïlandaise Pinaree Sanpitak est centrée sur le corps féminin et l’idée récurrente du réceptacle. Ses peintures s’inspirent du kashkul, le bol àaumônes persan, pour souligner le lien entre ces objets et le corps.
Plusieurs modèles de ce récipient symbolique font partie de la collection du musée, du plus petit fabriqué à partir de la graine rare du coco de mer au kashkul monumental taillé dans un unique bloc de granit de deux tonnes, porteur d’inscriptions savamment sculptées en style calligraphique. Un montage sonore laisse entendre sept modes musicaux du monde islamique, joués dans les angles de la pièce d’exposition de l’imposant kashkul.
Troy Makaza, né au Zimbabwe, a réalisé pour l’exposition une installation en silicone tissé inspirée par les principes de visibilité et d’invisibilité, intitulée Multiwaora (l’arbre est en décomposition). Le paysage créé, aux couleurs subtiles, s’ouvre à tous les imaginaires, révélant peu à peu des significations cachées.
Bianca Bond, d’Afrique du Sud, crée des installations oniriques, impalpables, où se rejoignent sciences naturelles et sciences occultes. Les frontières se brouillent entre le connu et l’inconnu, ouvrant un merveilleux terrain de jeu pour l’imagination.
Surprenant travail de l’Américaine Steffa Klein, qui a recours au bismuth, métal non radioactif. Après diverses expériences et manipulations apparaissent des compositions aux couleurs chatoyantes, telles des révélations subjectives.
Chloé Quenum fait usage de techniques artisanales, et pour l’exposition, elle a traduit en verre soufflé des mots liés à la pensée soufie.
Après avoir admiré les trésors du musée, les visiteurs peuvent poursuivre leur voyage dans le jardin, où la végétation luxuriante et les fleurs parfumées invitent à la contemplation et à la déambulation. Au-dessus de l’eau de l’élégante fontaine se dessine le nom calligraphié en anamorphose du dernier grand Maître, le « Hazrat ».
La programmation du musée s’adresse à un large public en privilégiant une approche pluridisciplinaire : expositions, résidences d’artistes, musique, littérature, poésie, cinéma, calligraphie. A travers la création artistique, les subtilités du soufisme deviennent accessibles à toute personne, quelles que soient sa sensibilité et son appartenance idéologique, dans une belle ouverture d’esprit.
En Une : Sculptures monumentales « Kashkul » Courtesy du Musée d’Art et de Culture Soufis MTO – Photo Flint Culture
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