La sensible, intime et dense Galerie la Ralentie (d’après le titre d’un poème fameux d’Henri Michaux), expose un étonnant trio d’artistes à la singularité marquée. Isabelle Floch, galeriste, scénographe et artiste de talent, a su organiser la riche complémentarité qui relie entre ces trois langages très personnels : trois univers distants, trois chromatiques marquées et trois vocabulaires affirmés.
Chez Évelyne, on voit des êtres de durée, et non des êtres d’instant. Venus souvent des confins, ces corps d’extrême présence, aux antipodes de l’évidence narcissique, ne peuvent que surgir. Evelyne Huet les emmène où ils veulent aller. Elle donne vie aux milliers d’êtres qui l’accompagnent, et que parfois elle révèle. Intemporels et chargés d’humanité partagée, ils ont traversé les apparences. Ne sont pas liés aux événements, ni aux lieux. Libres de tout, et d’abord d’exister, fragiles et puissants, ils ne fréquentent pas les ornières du réel, car ils n’ont pas l’âme purement terrestre. Ces corps, en subtile incantation, en délicate obsession, sont de multiples cœurs d’univers. L’apesanteur est leur territoire, et l’insondable secret est leur demeure.
A travers les obscurs tressaillements de la lumière, Arnaud Martin ose faire parler l’opacité : l’opacité prend l’espace, et l’espace est possédé. Art incantatoire et magique. Art de dure possession. Dans la grotte intime, Arnaud Martin saccage tous les miroirs de l’art, affronte les ténèbres, et les accule. Et ses impensables créatures, archaïques, ombreuses et ultimes, ensemencent le vide. Elles relient l’humain, le végétal et la plus secrète animalité. Arnaud Martin défigure crûment les apparences. Il a le sens aigu du gouffre et des formes vives qui s’étreignent sourdement. Il a le sens de la nuit et de la silhouette surgissante et mordante. De ciselés dessins sont récemment apparus, tous tracés au scalpel, aigus comme des pointes de ciel. Infimes scénographies ensorcelées.
Vittoretti verticalise ses créations respirantes et dépouillées. Des signes ténus et diversifiés, comme en apesanteur, s’élancent vers les hauteurs. Un soubassement premier crée un socle solide et ténu, né d’un monde archaïque et sous-jacent, mystérieux et caché. Puis des signes se détachent et semblent prendre leur envol. Ils enchantent l’étendue par une danse féerique et vibrante. Et là-haut, omniprésent, l’oiseau des élans de l’âme et des possibles espoirs donne l’exemple d’une pudique élévation mentale d’art et de ciel. Les fines créations graphiques, acérées et plurielles de Vittoretti, sont aérées et aériennes. Chez elle, le vide est une respiration mentale nécessaire. Insérés dans la même feuille infime, ces dessins allusifs, abstraits et figuratifs, donnent le ton d’une liberté créatrice illimitée.
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