« Dépaysement »
Ingrid Stübinger bouscule l’espace, les fatigues de la modernité, et les habitudes visuelles. Elle œuvre à vif dans la terre archaïque des hommes et dans le secret des corps. Chez elle, nature et animalité s’étreignent en effervescence vitale. Incongrues et surgissantes, des vaches rougeoyantes et fortement chromatisées imposent une présence superbement décalée dans une réalité secouée et percutante. Chaque tendre animal fermier est traité en portrait humanisé, occupant parfois tout l’écran de l’œuvre, dans un face-à-face émouvant et pudique. Parfois, au contraire, l’ensemble de ces animaux familiers de nos campagnes crée une sombre et nocturne présence. Comme si la nature saccagée pouvait se rebeller contre l’indifférence des hommes, comme si l’animalité paisible pouvait se transformer en danger potentiel…
Chacune de ses peintures affronte l’inertie du réel. Une tension souterraine hante ses âpres paysages une inquiétude sourde que l’impact étonnant de ses vives couleurs atténue… Elle crée à grandes brassées franches, et les effets d’art qui surgissent envahissent à vif nos regards.
L’art d’Ingrid Stübinger, aux sources expressionnistes denses, lointaines et latentes, évacue tout divertissement, bouleversant les faiblesses du présent.
Art de liberté gestuelle et crue, avec prise de risques, et tensions graphiques, chromatiques et mentales. Sa main-signe balaie les surfaces peintes. Art dur et pur, incandescent et généreux.
Le chaos d’origine règne, initiatique, souverain, implacable, et déchiré de lumière. Tout bouge, les certitudes s’effondrent, les forces formidables du mental profond, à hauteur d’univers, se libèrent, installent leur terrible insécurité, et occupent, dans leur affrontement, tout l’espace du tableau.
Parfois, a contrario, une extrême délicatesse s’impose, et de tendres couleurs libérées s’ouvrent à la plénitude, et l’espace respire. Dépaysement garanti.
Jusqu’au 30 mars 2025
Galerie Le Pavé d’Orsay – Paris 7ème
En Une : Jules et Jim – Huile sur toile – 40×40 cm
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