L’exposition de Laurent Proux réunit dans les salles du Musée de l’Abbaye de Saint-Claude deux corpus d’œuvres distincts. Près de la moitié des œuvres, réalisées in situ dans le cadre d’une résidence d’artiste, s’appuie sur des rencontres en usines dans la région industrieuse de Saint-Claude et s’intéresse au corps au travail. L’autre groupe, qui appartient à une série initiée il y a quelques années, met en scène des corps mi-humains, mi-arbres. Deux univers, l’un d’apparence plus « réaliste » que l’autre.
Né en 1980, Laurent Proux vit et travaille à Paris, où il est représenté par la galerie parisienne Sémiose. Sa résidence à Saint-Claude, ville industrieuse, a été l’occasion d’observer le milieu ouvrier et d’en proposer une représentation artistique. L’artiste est accueilli pendant les horaires de travail dans diverses entreprises emblématiques de cette ville, connue pour ses savoir-faire traditionnels. Avec respect et sans intention intrusive, il recueille des paroles sur le quotidien et les tâches de ses interlocuteurs, remplit des carnets de croquis et de notes, et photographie. De retour à l’atelier, il retranscrit factuellement ses notes, reconstitue des scènes distancées de la seule photographie, au cadrage trop rigoureux pour lui. Puis, par un subtil jeu de photomontage, il articule les différents éléments. Si au premier regard apparaît la représentation d’une scène de travail à l’usine, il ne s’agit cependant pas de ce genre exalté par la peinture de l’époque soviétique (que Laurent Proux a regardée avec intérêt).
La vision « réaliste » fait place à un « réalisme construit », à « une peinture d’histoire » distancée : La Madone à l’outil montre une femme absorbée dans sa tâche, et Les Constructeurs font corps avec leur outil de charpentier. C’est leur énergie qui active des machines inertes. Ils injectent du mouvement, ils sont à la fois objet et sujet de la scène. Autour d’eux l’univers semble déréalisé, et des détails troublent l’agencement attendu de l’atelier. Ici une touffe de végétation, là des bobines molles (utilisées pour la fabrication des fameuses pipes), en forme de champignons fantastiques. Dans l’encadrement des fenêtres, des fragments des montagnes enserrent la ville et ses usines dans des tons pastel, en opposition aux rouges et ocres des intérieurs, créant une perméabilité extérieur-intérieur et vice-versa, entre fiction et réalité.
Dans une belle réciprocité, le peintre entre de plain-pied dans le monde des travailleurs qui peuvent, inversement, participer au cœur de la peinture.
L’autre corpus renvoie à une représentation charnelle et décalée du corps humain. Des corps de grande proportion, des colosses sans identité, désarticulés, sont transmués en arbres-humains en lutte avec une nature artificialisée. Under the Tree dépeint des silhouettesnues agrippées à un arbre, se hissant emmêlées à la hauteur du feuillage d’un pommier. Elles se soutiennent tant bien que mal, s’enroulent et se confondent. L’artiste invente un arbre-chair où l’homme et la nature s’étreignent. Les scènes plus intimistes sont traitées de manière fragmentaire, dérangeante, voire avec un soupçon de cruauté, comme si les rapports de force étaient inévitables. La violence des teintes à dominante rouge prédomine, parfois nuancée par un dégradé de couleurs plus suaves, dans The Kiss ou dans Couple III.
Sous le titre « L’Exubérance est beauté », est retranscrit en prologue du très beau catalogue de 160 pages l’entretien entre Valérie Pugin, directrice du Musée de l’Abbaye, et Laurent Proux.
Jusqu’au 28 septembre 2025 Musée de l’Abbaye – Saint-Claude (39)
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