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On en parle

Le Paris d’Agnès Varda

Chantal Vérin, le 14 avril 2025

L’exposition Le Paris d’Agnès Varda, de-ci, de-là, présentée au musée Carnavalet, aborde l’œuvre d’Agnès Varda (1928-2019) à travers un ensemble de 130 tirages photographiques et divers extraits de films emblématiques. Rencontre d’une photographe, exposée seulement en 2023 dans une grande rétrospective aux Rencontres photographiques d’Arles, et d’une cinéaste, icône de l’art contemporain, confirmée la même année par sa présence à la Biennale de Venise.  

Les 3/4 des photos, la plupart issues des collections familiales, sont inédites, en particulier celles qui révèlent la place primordiale de la cour-atelier de la rue Daguerre (Paris XIVème), lieu de vie et de création de 1951 à 2019. Là a commencé la pratique photographique d’Agnès Varda, pratique qui a structuré la suite du parcours artistique exceptionnel « d’une femme libre et inspirée, et n’ayant pas suffisamment la reconnaissance en tant que femme-photographe » dit Rosalie Varda, qui souligne aussi la capacité de sa mère « d’aligner sérieux, fantaisie et technique ». On connaît une artiste prolixe, haute en couleurs, « on regarde (son)art, pas l’effort, la complexité », ajoute-t-elle.

Agnès Varda – Fellini à la Porte de Vanves – ©succession Agnès Varda

Agnès Varda est née en Belgique, a habité Sète pendant la guerre et a découvert Paris sous l’Occupation. Après des cours à l’École du Louvre, elle choisit d’être photographe, métier qui lui permet de concilier activités intellectuelles et manuelles. En 1950, elle est inscrite au registre des métiers comme maître artisan photographe. D’un apprentissage complexe et d’une formation au TNP auprès de Jean Vilar, elle acquiert la maîtrise du cadrage et de l’éclairage, et les bases d’un métier dont elle pourra vivre jusque dans les années 1960. De 1951 à sa mort, Agnès Varda réside à la même adresse, rue Daguerre (l’inventeur du « daguerréotype » !), dans le quartier de Montparnasse. Le site atypique, deux boutiques et une cour intérieure, est à la fois un lieu de vie et un atelier d’artiste. 

Boîtes originales de négatifs de différents formats et corpus – ©cine Tamaris

Agnès Varda photographie à ciel ouvert sa famille et ses voisins, réfugiés politiques espagnols. Dans le studio de prise de vues aménagé sous une verrière diffusant une lumière naturelle « la plus belle qui soit », elle fixe sur la pellicule, sobrement et sans artifice, ses proches, puis de nombreux jeunes comédiens de théâtre à la recherche de portraits. Elle développe elle-même ses clichés. En 1954, elle réalise sur place une première exposition personnelle : les tirages sont accrochés sans protection aux murs de la cour. Ils mêlent nus, portraits et objets du quotidien, sombres, dépouillés et insolites. En 1956, elle collabore au magazine “Prestige français“ pour des portraits d’artisanes et réalise un autoportrait, Agnès Varda, Autoportrait dans son studio. On la voit debout derrière sa chambre noire, sur fond du décor original de la pièce : deux anges en bois doré, une peinture abstraite d’André Borderie, un mobile d’Alexander Calder. A partir des années 1960, « la cour-atelier » d’Agnès Varda et de son compagnon, le cinéaste Jacques Demy, est fréquentée par de nombreuses personnalités du cinéma et du théâtre. Delphine Seyrig, Catherine Deneuve, Anne Sarraute, Mario Prassinos, Suzanne Flon, Eugène Ionesco, Simon Hantaï, Germaine Richier, tous défilent devant son objectif. Brassaï pose devant un mur décrépi, et Federico Fellini dans les éboulements des anciennes fortifications de la Porte de Vanves…

Plaque à l’effigie d’Agnès Varda – Grès émaillé – Succession Agnès Varda

Munie désormais d’un appareil numérique, Agnès Varda déambule dans Paris et signe des reportages qui soulignent le regard décalé, teinté d’humour et d’étrangeté, que l’artiste porte sur les gens et les rues de la capitale. Opéra-Mouffe, (1958), à la fois livre photographique et court-métrage, montre les laissés-pour-compte du quartier pauvre de Mouffetard, et les Daguerréotypes (1975) tirent le portrait de commerçants de la rue Daguerre. Des milliers de clichés, « mes vieilleries », aujourd’hui précieuses archives, ont inspiré au fil du temps des scènes de films et des atmosphères qui mettent en évidence le lien ténu entre deux modes d’expression. Dans Cléo de 5 à 7, on suit plan par plan les déambulations à travers les rues de Paris du personnage incarné par Corinne Marchand, son évolution psychologique et ses états d’âme. Jean-Luc Godard voit la vie en noir à travers ses lunettes teintées, et lorsqu’il les retire, tout s’éclaircit. L’une chante, l’autre pas (1977) s’ouvre sur l’image de l’atelier d’un photographe rempli de portraits de femmes en noir et blanc au regard résigné et triste. Le film en couleur s’attache ensuite au destin de deux femmes à la conquête de leur liberté sur fond des luttes féministes des années 1970. Agnès Varda, militante engagée ouverte à la cause féministe, soutiendra le combat de Gisèle Halimi.

Agnès Varda dans sa cour rue Daguerre – Courtesy Collier Schorr

A 90 ans, Agnès Varda se fait photographier dans sa cour, assise entre Jane Birkin et Annette Messager. Cachée derrière un manteau de poils rouges, identifiable par ses cheveux bicolores, elle raconte à des journalistes sa longue vie de création, de ses premiers pas dans la cour-atelier de la rue Daguerre à sa présence au sein de la Nouvelle Vague, et jusqu’à ses succès internationaux.

Riche de 250 illustrations, un catalogue aborde son œuvre photographique sous un angle inédit, celui de la place essentielle occupée par la rue Daguerre. Il invite à approfondir les liens complexes entre photographie et cinéma.

En Une : Autoportrait dans son studio rue Daguerre – 1956 -©succession Agnès Varda

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