Jean Crampilh-Broucaret (1939-1972), dit “Janot” ou “Jeannot”, est né dans un village des Pyrénées orientales où ses parents étaient agriculteurs. A la mort de son père en 1959, et à l’issue de son service militaire en Algérie en 1961, il reprend l’exploitation familiale. Il y vivra modestement dans un enfermement mental progressif auprès de sa mère et de sa sœur. Il serait tombé dans l’oubli sans la découverte fortuite par un psychiatre, en 1993, du fameux “Plancher de Jeannot”.
Ce parquet de chêne massif de 13m2 est couvert d’un “texte” de 68 lignes en lettres capitales, entaillé et gravé par son auteur dans le plancher de sa chambre à l’aide d’un couteau à bois et d’une perceuse rudimentaire. Il a pu être déposé et restauré. Œuvre impressionnante et unique, qui a fait l’objet de nombreuses communications scientifiques et d’écrits depuis sa découverte, le Plancher a maintenant rejoint les collections du MAHHSA, musée d’art et d’histoire de l’hôpital Sainte-Anne. Il a alors trouvé un lieu de conservation, d’analyse et de restauration et peut être présenté au public en tant que témoignage artistique authentique.
Le choix de ce musée, situé dans l’enceinte de l’hôpital psychiatrique de Paris n’est pas fortuit. Là sont conservées des œuvres réalisées par des artistes-patients. Datées du XIXème à nos jours, celles-ci proviennent de France, et également d’hôpitaux du monde entier (Inde, Brésil, Japon…). L’accent n’est pas prioritairement porté sur le profil psychiatrique du patient-artiste, mais sur le processus de création, l’environnement, les fantasmes et les croyances. Jeannot était un jeune paysan pris dans les affres de l’après-guerre d’Algérie, de la violence familiale et rurale et de la précarité. Son parcours est en soi un témoignage terrible de la vulnérabilité d’une vie. Il n’avait pas les mots, et son texte obsessionnellement gravé, d’une grande complexité d’élaboration, résume sa pauvre vie, et sa survie…
Dans l’exposition sous le commissariat d’Anne-Marie Dubois, on peut voir le Plancher présenté à plat tel qu’il fut dans la maison familiale. Sur des panneaux muraux, les “textes” sont retranscrits et un livre très documenté, élargit les perspectives de lecture de cette œuvre. Ce monument épigraphique unique, restitué dans son intégrité, a encore bien des choses à dire.
La Collection Sainte-Anne est unique par son nombre (1800 œuvres inscrites à son inventaire), sa valeur patrimoniale, sa diversité historique et esthétique. C’est cela que montre ici l’art des marges : en amont, un impensable documentaire à forte valeur humaine, en aval, la destruction des barrages de la culture. Les marges de l’art bouillonnent d’étrangeté. Elles ne sont pas atteintes par la sclérose des repères et des codes.
Le musée, labellisé depuis peu Musée de France, présente régulièrement des expositions thématiques. L’intégralité de sa collection est accessible en ligne, en partenariat avec Videomuseum, et des visites du site historique de l’hôpital et de son parc sont régulièrement organisées. Ce qui permet avant tout de déstigmatiser le regard porté sur les œuvres produites dans un contexte hospitalier.
Jusqu’au 25 avril 2025 Hôpital Sainte Anne – Paris 14ème
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