L’ancienne abbaye bénédictine Saint-André de Meymac, en Haute-Corrèze, a connu le sort de bien de ses semblables en France. Vendue à la Révolution, elle devient grenier à foin, caserne, écurie… Remarquée par Prosper Mérimée, elle est placée sur la liste des monuments historiques de 1840. Restaurée à fond, elle abrite maintenant un musée d’archéologie et du patrimoine et un remarquable Centre d’Art Contemporain. Une belle équipe de collaborateurs s’y donne à fond sous l’aimable maitrise du président Jean-Paul Blanchet et de Caroline Bissière, directrice, tous deux passionnés d’art. Ils ont créé le centre et, depuis 1979, manifestations culturelles et expositions se succèdent, faisant rayonner l’art en milieu rural.
Dans cette petite commune de Corrèze au riche patrimoine, un peu à l’écart des grands axes de circulation, l’exposition Le temps du printemps, organisée dans le cadre du festival « Les printemps de Haute-Corrèze » impose le détour. Thématique large, non restrictive, sympathique prétexte à des « déambulations » artistiques. Une trentaine d’artistes présentent des travaux d’une grande diversité, de l’image parfois convenue jusqu’à des visions plus intimistes. Différents médiums sont convoqués, peinture, lithographie, photographie, céramique, installations et vidéo.
La galerie Maria Lund propose trois artistes, chacun avec une proposition originale : Didier Boussarie, inspiré par les reflets d’eau de son étang communal, l’artiste allemande Fee Kleiss et son intrigante installation à partir d’objets de récupération, et le jardin imaginaire de Marielle Paul, empli de courbes et d’envolées légères dans une belle palette de couleurs.
Les représentations sont plurielles : de la grande huile de Dorian Cohen invitant à une sieste sous les frondaisons au “Sac à dos cubique “de Guillaume Viaud. Par le subterfuge de photos couleur, il crée l’illusion d’une nature se reflétant dans un miroir. On voit aussi de délicates installations à partir de graines ou de fruits. Cécile Beau fabrique un jardin miniature dans un caisson en synthèse de la nature environnante. Plus oniriques et plus inquiétants sont les étranges “Psilocybes“ de Corentin Grossmann, ou la lithographie “Quiétude » d’Ethan Murrow, le paysage construit “Sky valley“ de Jason Saager, ou encore les fascinantes créatures mi-humaines, mi-arbres de Laurent Proux. L’artiste chinois Xiao Fan s’inspire de planches botaniques pour créer des fleurs sensuelles, et Jean-François Fourtou crée un ballet de légumes animés dansant avec des ustensiles de cuisine !
La photographie est très à l’honneur : Raphaëlle Peria œuvre à partir d’une photo prise dans la nature, en général un plan d’eau, et par un jeu de grattage, elle modifie l’image générale.
L’artiste plasticienne Mathilde Troussard présente trois photographies. Empruntée au réel, par une subtile construction, l’image plonge le regardeur dans un univers énigmatique où se dessine un récit que chacun croit pouvoir décrypter. En réalité, le scénario est déjà écrit : un personnage en général unique occupe le centre de la photo. La posture est précise, le vêtement recherché et la construction de l’arrière-plan rigoureuse, ce qui donne intensité et consistance au personnage. A première vue, le personnage, souvent féminin, est le sujet du tableau, il figure l’élément vital d’une composition construite. Son attitude ou son regard dégagent des sentiments partagés autour de la solitude : mélancolie, attente, ennui, désillusion et expressions identifiables qui s’avèrent être le support d’une mise en scène théâtrale, poétique et onirique. On passe d’un espace temporel réel à un espace photographique subtilement fantasmé. Chaque photo est œuvre d’art.
Dans le cadre du Festival, diverses animations complètent l’exposition, dont, à partir du 16 avril, un « atelier cyanotype » familial pour créer des images uniques en utilisant une solution photosensible, la lumière et des plantes. En été, un nouveau cycle d’activités autour du bricolage va s’ouvrir, et en hiver, les 24 fenêtres de l’abbaye seront transformées en un magique calendrier de l’Avent.
Le public se presse nombreux à ces grandes et conviviales manifestations, confortant ainsi la nécessité de créer de grands et beaux événements artistiques en région.
Jusqu’au 22 juin 2025
Festival de Haute-Corrèze
Abbaye Saint-André – Meymac (19)
En Une : Cécile Beau, Laurent Proux et Corentin Grossmann – ©Aurélien Mole
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