Le temps efface tout – Il n’éteint pas les yeux – François Réau
Gersende Petoux, le 3 mars 2023
Jeune artiste français né en 1978, François Réau suit des études d’art dans différentes écoles de Poitiers, Ecole Régionale des Beaux-Arts puis Ecole d’Arts Appliqués dont il sort diplômé en 2001. Exposé en France et à l’étranger (Londres, Bruxelles, Turin, Pékin ou Melbourne), il a connu une année faste en 2022, présentant différents projets pour le Domaine de Kerguéhennec, la Fondation Bullukian à Lyon en résonance à la Biennale d’Art Contemporain, au Drawing Lab à Paris ainsi qu’à la Tour de la Chaine à La Rochelle avec le Centre des Monuments Nationaux.
Pour François Réau, le dessin est une forme de narration, l’écriture qu’il a choisie pour raconter son univers où l’abstrait épouse le figuratif sans limite ni frontière, créant des espaces symboliques, tout autant que poétiques. Il nous offre de splendides triptyques où des myriades de petits coups de crayon donnent naissance à des paysages, à moins que ce ne soient un rideau de pluie, le cosmos, les étoiles ou l’écorce d’un arbre…
Graphite et mine de plomb sont mis à contribution. Parfois une aura colorée vient subtilement en habiller la trame, telles ces touches d’aquarelle bleuissant les nuages d’un triptyque enciellé ou cette œuvre d’un jaune moutardé qui vient dialoguer avec les installations voisines de branchages orangés.
C’est un poème de Proust qu’il a choisi comme fil d’Ariane de l’exposition présentée en ce moment au 3CINQ :Je contemple souvent le ciel de ma mémoire.Il y est question des choses qui passent, de celles qui restent… Il a recopié l’intégralité du texte au crayon sur les murs du centre en une seule et même ligne, ponctuée de ses dessins illustrant les mots du maître du temps et de la mémoire.
« Le temps est une thématique chère à mon cœur », avoue-t-il, en toute logique puisque le dessin, surtout le sien, requiert du temps, beaucoup de temps… Il en devient ainsi un instrument de mesure, car François Réau aime également les références aux sciences et aux mathématiques, citant Vinci et Fibonacci.
Deux installations au cœur du centre d’art contemporain rejouent ici le vocabulaire du dessin, qui se fait à loisir trace, ligne ou trait. Le trait est celui des branchages, savamment orchestrés pour dessiner en volume et en nature séchée ces droites, segments, pointillés qui peuplent ses tableaux et fresques monumentales. Le rapport de l’Homme avec la nature et le paysage sont les pierres angulaires de son travail.
La ligne peut aussi être celle de la trame d’une broderie ou d’une tapisserie, évocation du monde végétal et par déclinaison du textile, si caractéristique de notre région des Hauts de France. Car François Réau recontextualise toujours ses créations au regard du site sur lequel il travaille, tenant compte de son histoire et de son architecture, que ce soit un musée, un monument national, un centre d’art contemporain. Tout est repensé avec l’histoire du lieu et sa mémoire. Ainsi a-t-il œuvré au Domaine de Chaumont sur Loire, à l’Abbaye Royale de Fontevraud ou encore au Musée Jenisch à Vevey en Suisse. Dans cette nouvelle exposition, ce sont des bobines de fil à même le sol qui encadrent les buissons d’arbres à papillons, des bobines couleurs de terre ou d’encre, rappelant le graphite cher à ses dessins.
La trace est celle de l’écriture au crayon sur les murs, ce poème proustien comme une ligne d’horizon. L’œil scrute l’infini pour mieux en imprimer les mots empreints de poésie et de douce mélancolie dont la musicalité baptise cette superbe exposition : « Le temps efface tout mais n’éteint pas les yeux « . François Réau « rejoue avec les lettres et les mots quelque chose du vocabulaire du dessin », car ajoute-t-il, « l’écriture peut être dessin, et le dessin écriture ». Ne peut-on considérer en effet certaines des écritures antiques elles-mêmes comme de véritables illustrations, écriture cunéiforme, hiéroglyphes, calligraphie, voire les enluminures sur les manuscrits du Moyen-Age ?
Pour parfaire ses installations, François aime sculpter la lumière et dessiner en volume avec le gaz contenu dans le verre tubulaire des néons. Il joue avec les mots et les concepts. « Voilà la façon dont je conçois l’Art » dit-il, citant Flaubert : « L’Art comme une étoile, voit la terre rouler sans s’en émouvoir, scintillant dans son azur ; le beau ne se détache pas du ciel.« . Pour donner corps à ces mots et éclairer le propos, il nous offre ses créations lumineuses, autre forme d’écriture contemporaine voire humoristique. En peignant de noir le mot « nuit » pour mieux évoquer la noirceur des ténèbres, le néon devient oxymore, source lumineuse dégageant une aura de clarté par-delà les ténèbres.
Son actualité lilloise se poursuit en parallèle de l’exposition du 8 au 12 mars prochain à Art Up Lille, où son travail côtoiera celui de Yosra Mojtahedi dont les œuvres rendaient grâce au 3CINQ il y a peu. Il partira ensuite en résidence de création à Saumur, Clavé Fine Art.
Si le temps efface tout, il n’éteint pas nos émotions ni nos sens grâce au travail de François Réau, pour preuve ce néon éponyme qui éclaire le cœur de l’exposition.
Jusqu’au 25 mars 2023 – 3CINQ – Centre d’Art Contemporain – Lille (59)
En Une : Mesurer le temps (invisible torrent des siècles et des jours) – Mine de plomb sur papier marouflé sur toile – 2022 – Tryptique 240×375 cm
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