Je trouve par hasard sur internet, cette image d’une œuvre d’art puissamment métaphorique, faite d’un cône de terre avec de la pelouse dessus. Je vois qu’il s’agit d’un travail de l’artiste allemand, Hans Haacke , qui avait représenté son pays à la Biennale de Venise en 2009 et avait pour l’occasion défoncé le sol du pavillon national pour protester contre les méfaits du grand capital mondial et du fascisme réunis.
Je me souviens que cet artiste furieusement engagé politiquement s’était associé à Pierre Bourdieu, pour la rédaction à quatre mains et deux cerveaux d’un livre intitulé “Libre échanges” : Un ouvrage où se conjuguaient donc l’art idéologique avec la sociologie idéologique, et qui préfigurait l’art sociétalo-bidulo-questionnatoire très en vogue aujourd’hui sur les réseaux artistiques dominateurs et oppresseurs tant intellectuels que financiers
Cruel et calamiteux retournement des choses :
Il se trouve, en effet, que les œuvres de cet artiste anticapitaliste en diable très valorisées par la caution bourdieusienne, sont devenues d’excellents produits spéculo-financiers pour ce même grand capital que les deux compères entreprenaient de combattre.
Et c’est ainsi que le couple Haacke-Bourdieu est devenu l’allié objectif (on dit aussi idiot ou crétin utile) des mécanismes oppressifs qu’ils dénonçaient, et le précurseur ou pionnier de cet art idéologique ou sociétalo-questionnatoire, qui domine aujourd’hui les réseaux de reconnaissance et de sur valorisation d’une création vide de contenu proprement artistique, mais bourré à fond d’idéologie
Et c’est ainsi que cet art rebelle, qui se veut acteur d’une féroce “lutte des classe” est devenu son inverse : un art de classe , apanage tribal et signe de distinction des élites intellectuelles et financières dominantes… Comble de la cruauté !
Et c’est ainsi que cet art produit d’une doxa esthétique d’Etat de type totalitaire, s’officialise, s’institutionnalise, pour remplir les collections des archi-riches dominants de ce monde en même temps que les collections publiques, et pour nourrir un discours terrorisant les catégories sociales présumées “inférieures”…
Alors cherchez l’erreur !
L’erreur centrale et le piège dans lequel est tombé Bourdieu, c’est bien ne n’avoir pas compris, que, si l’art pouvait être parfois “signe de distinction” et outil de domination, il était d’abord et surtout le contraire, de par sa nature sacrée et transcendantale, irréductible à toute sorte d’analyse et pour cela, facteur de partage, de lien social, de dépassement individuel vers l’universel… Bourdieu aurait-t-il oublié cela par facilité méthodologique et au nom de la neutralité axiologique du scientifique… Une rigoureuse neutralité qui, pour l’occasion avait bon dos, pour cacher plutôt un rigoureux aveuglement de fond et une solide déni de la vérité profonde de l’art… Un déni de réalité typique de la bien-pensance progressiste et qui a produit des catastrophes dans bien d’autres domaines. La pensée de Bourdieu avait cet avantage de ne jamais s’encombrer, ni de poésie, ni d’humour, ni de sensualité, ni de quelque sentimentalité parasite ou émotion d’ordre esthétique que ce soit… Bref, une pensée purement mécanique, assez fruste au fond et pour cela redoutablement efficace.
Le wokisme, est-il d’origine bourdieusienne ?
Il y en a beaucoup qui pensent que le couplage Boudieu-Haacke a ouvert la porte au wokisme… tout comme le couplage Bourdieu-Passeron a ouvert ouvert la porte au pégagogisme… Deux désastres majeurs et concomitants, l’un pour la création artistique, l’autre pour l’Education Nationale. Les deux nourris au même biberon progressiste et déconstructiviste… Mais ceux qui pensent cela sont encore considérés comme des mal- pensants, d’essence extrême-drouatière bien évidemment.
En tous cas, cet art de combat idéologique, qui renforce de fait l’idéologie qu’il veut combattre, vient de s’enrichir, avec le wokisme, d’une nouvelle panoplie de munitions ultra-contemporaines et sophistiquées, que Bourdieu n’avait pas encore sous la main : écologisme, féminisme, décolonialisme, indigénisme, végétalisme, permaculture, racialisme, antispécisme, intersectionnalite des luttes minoritaires LGBTQ, diversitarisme, éco-responsabilité, décarbonation, mobilité douce et toilettes sèches, etc., etc.
Autant de munitions qui permettront de parachever le vidage du sens en art amorcé par Bourdieu et la déconstruction complète de l’éco-systême naturel de l’art.
Enfin, comble absolu de la socio- cocasserie : Nathalie Heinich , grande diva de la sociologie de l’art, élève de Bourdieu, et qui n’arrête pas de flinguer ce denier, vient cependant de déclarer que “la wokisme aurait fait beaucoup de peine à Bourdieu”… Snif ! Snif !