< retour aux Articles
On en parle

« Les Espaces Entre… »

Gersende Petoux, le 7 février 2025

De Valérie Honnart à Raphaël Demarteau, nombreuses sont les allées et venues d’un duo artistique qui s’est connu voilà 20 ans déjà à Rome, qui s’est reconnu au fil de rencontres et collaborations, qui s’est perdu de vue au gré de leurs chemins de vie et voyages, pour mieux se retrouver aujourd’hui en Belgique au Centre Culturel Marius Staquet de Mouscron. Quelques 200 œuvres de ces deux artistes dialoguent sur près de mille mètres carrés en une scénographie époustouflante qui habille l’espace et nous invite à autant de traversées.

Vue d’ensemble – ©Gersende Petoux

Intitulée “Passages”, cette exposition nous immerge dans un univers poétique en quatre chapitres aux frontières du cœur et du corps, des états de la matière, du végétal et du minéral, des territoires connus ou inconnus, terrestres et spirituels. Valérie Honnart affectionne particulièrement les “espaces entre”. De ses nombreuses années passées en Chine et Italie, elle a acquis une maîtrise technique rigoureuse et exigeante en peinture, laque, encre de Chine, gravure et même sculpture, dont elle aime se distancier parfois en créant plus librement avec tout autre matériau. Né en Belgique d’un couple italo-belge, Raphaël Demarteau s’est initié à la peinture au Canada et pratique bon nombre de techniques inspirées par ses nombreux voyages. Il aime nous embarquer entre figuration et abstraction, jouant de la géométrie pour créer un équilibre délicat et sensible entre la courbe et le mouvement.

Valérie Honnart et Raphaël Demarteau – Les corps dansants – ©Gersende Petoux

En 2014, Valérie et Raphaël avaient déjà travaillé ensemble le sujet de la danse, de ces passages d’un corps à l’autre, du féminin au masculin. Cet accord permet de “danser ensemble dans les flocons de la solitude”, écrit Valérie. Nous retrouvons ici “Les corps dansants” dans autant de dessins et peintures empreints de mouvement et de grâce. Coup de cœur pour ces petits formats déroulant une histoire racontée sur autant de cartons carrés, telle une bande dessinée de corps en mouvement.  

Valérie Honnart – Quand la nuit chuchote sous les arbres – 2024 – Encre de Chine et graphite sur papier – 57×76 cm – ©Gersende Petoux

Le deuxième chapitre, “D’un territoire à l’autre”, explore quant à lui les frontières et leur franchissement, souhaité ou subi. Combien d’êtres déracinés se déplacent-ils aujourd’hui, tandis que “leurs racines comme des lambeaux de chair s’accrochent à eux puis petit à petit les laissent” ? Ces frontières ne sont pas toujours tangibles. Il est aussi question d’au-delà et de départ d’éternité. Pour Valérie, “nous quittons des vies pour en retrouver d’autres”. Raphaël quant à lui aspire au repos serein : “Croix de bois, croix de pierre, si je trébuche, j’irai de toutes façons au paradis” !

Amoureux de la nature et ardents défenseurs de sa préservation, les deux artistes ont choisi deux autres thématiques pour compléter cette exposition. “Devenir végétal” se fait porte-parole de “la complainte des arbres”, hélas silencieuse. Profondément marquée par l’assassinat sauvage d’un orme centenaire en Chine, Valérie Honnart se penche depuis lors sur ces arbres abattus symbolisant autant de mémoires effacées, n’ayant su protester. Raphaël Demarteau tout aussi amoureux de “ces longs flux de matière vivante qui nous abritent et nous sauvent” leur parle en poète : “tu donnais de l’ombre aux amants, des fruits secs aux rongeurs, et tu buvais les excès des tempêtes”. 

Valérie Honnart – Devenir Végétal – ©Gersende Petoux

“Devenir pierre” enfin offre plus que jamais l’opportunité à Valérie de raconter la mythologie, source d’inspiration inégalée. Qui mieux que Sisyphe peut résumer “l’absurdité de notre condition humaine mais aussi de la création” ? Le changement climatique étant indéniablement son cheval de bataille, elle s’attache à nous montrer combien “ce qui nous paraissait inerte hier devient vivant quand parfois les montagnes se liquéfient”“Devenir abstrait” face à cette matière inerte ou vivante, ajoute Raphaël de son côté.

Valérie Honnart – Le radeau – 2024 – Huile et laque sur toile – 140×70 cm – ©Gersende Petoux

C’est une véritable Odyssée que vous font traverser ces deux magnifiques artistes, tant dans leur travail et techniques que dans les sujets abordés et si joliment racontés. Valérie Honnart, toujours présente dans notre galerie partenaire lilloise, la Melting Art Gallery, montrera un travail bien différent à Art Up Lille tout bientôt, comme on le dit chez nous ! Mais pour l’heure, il est encore temps de voyager artistiquement, “Passages” obligés des Hauts de France vers la Wallonie…

Jusqu’au 16 février 2025
Centre Culturel Marius Staquet – Mouscron – Belgique

En Une : Installation commune créée par les deux artistes pour le Centre Marius Staquet – ©Gersende Petoux