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On en parle

Les galeries d’art vont-elles disparaître ?

Nicole Esterolle, le 24 décembre 2024

Je me pose cette question seulement pour ce qui concerne les galeries « découvreuses » qui sont trois fois moins nombreuses qu’il y a trente ans… Car pour ce qui est des galeries « récolteuses » et de placement financier, ça va plutôt bien, pour elles, puisqu’elles peuvent, aujourd’hui, tirer profit du travail effectué, hier, par les galeries prospectives disparues… Ce qui implique, que sans galeries découvreuses aujourd’hui, il n’y aura pas de galeries récolteuses demain… simple logique dans l’absurde destructeur de l’éco-système naturel tel qu’il était il y a trente ans.

On connait de nombreux galeristes, chercheurs et révélateurs d’art frais, libre et sauvage, qui ne voient presque plus personne entrer chez eux, et qui continuent, malgré leurs difficultés financières, par pure passion et grâce à quelques revenus annexes venant d’un conjoint, d’une retraite, d’une activité parallèle ou d’autres ressources.

On connait des galeries encore récemment prospectives, mais sans revenus annexes, qui sont aujourd’hui obligées, pour ne pas mettre la clef sous la porte, se s’aligner sur l’idéologie dominant et de perdre leur âme en exposant une corde à nœuds ou des haricots de Claude Viallat, des raclures de Supports-Surfaces, du bidule de FRAC, de la bouse steetarteuse de Blek le Rat, de Wils, de Roa, de Spy, de Gniark, de JR ou de Pofpof, des dégoulinures forestières de Fabrice Hyber, de la croute néo-figuarativo-paysagère conceptualisée, pire encore : du Non-Fungible Tokens, ou « jetons non-fongibles ».

On connait des galeries de placement pur 
… qui, sans aucune vergogne, expliquent au client qu’il faut acheter une petite bâche avec empreintes d’éponges de Viallat, à 25 mille euros – car elle vaudra le triple dans dix ans… Quand ils savent bien que ce même client pourrait acheter 25 œuvres à mille euros chacune d’excellents artistes peu connus, mais dont la valeur artistique intrinsèque est dix mille fois supérieure à la vacuité spongieuse d’un Viallat.

On connait aussi ces galeries hybrides privée-public, toujours aussi florissantes dans le milieu fermé de l’art subventionné dit contemporain. Elles sont étroitement liées à la DRAC et à l’Eole des Beaux-Arts locales. Municipales, mais de haut niveau d’entre-soi international, elles n’ont pas de public autre que celui des circuits locaux de la dextre cultureuse identitaire branchée. Elles présentent les derniers produits sortis dans le genre inregardable posturo-conceptualo-bidulaire que personne n’achète hors les FRAC, les MAC, les GNAC, ou quelques gros entrepreneurs locaux en mal d’affichage culturel, ou quelques cultureux middle class friands de petits signes d’appartenance de classe.

Il y a donc de quoi s’inquiéter 
… quand on voit disparaître ces galeries prospectives, qui étaient les gardiennes du sens et des valeurs permanentes, qui produisaient de la richesse patrimoniale et qui constituaient la partie centrale des mécanismes de reconnaissance, de légitimation et de la valorisation de la création.

Mais il y a aussi  de solides  raisons d’espérer 
… quand on voit la richesse et la diversité d’une création indépendante des diktats ministériels, telle qu’elle est montrée dans le nicolemusem.fr notamment.
… quand on voit se reconstituer un réseau alternatif de reconnaissance et de diffusion, avec des centaines de lieux d’exposition plus périphériques : ateliers d’artistes petits et grands salons d’artistes, galeries « différentes », galeries nomades, lieux d’art privés ou associatifs très excentrés à la campagne et dans les édifices patrimoniaux. etc… Autant de lieux de vie artistique qui restent bien sûr, ignorés du service public de la culture et des « inspecteurs de la création » du Ministère (oui, ils existent)

De toute manière, le système institutionnel déshumanisant, n’« aura pas la peau » de l’art et des artistes… C’est lui qui tombera à terme, le premier, faute de public et d’argent public.