L’insondable mystère de l’existence de Dominique Albertelli
Christian Noorbergen, le 30 septembre 2020
On voit d’emblée d’ordinaires urbains, a priori ordinairement civilisés. Détachés sur fond monochrome, souvent d’un rouge incandescent, parfois d’un bleu âpre, éblouissant et rude. Implacable frontalité sans échappatoire, et dur dialogue avec le spectateur.
Dominique Albertelli a vécu quelques années en Amazonie, dans l’inconfort le plus total, en étroite proximité avec le chamanisme. Dans ses peintures, ses personnages, à l’évidente allure contemporaine, résistent à la toute puissante modernité. Ils gardent contact avec les sources archaïques les plus enfouies du mental profond et ne font pas bon ménage avec la normalité. Ainsi, de réelles présences animales, totalement incongrues dans l’environnement de nos cités, révèlent la part pulsionnelle d’une indispensable animalité pour réellement exister. Pour vivre en totalité et non en robot démultiplié. Art agissant et dépouillé comme un théâtre de vérité. Figure de proue d’une figuration existentielle et magique.
Chez Dominique Albertelli, le rouge des profondeurs charnelles, sur fond d’opacité infinié, étreint l’étendue, tandis que ses doubles humains, déshabillés de tout dehors, envoûtent nos solitudes. Sur fond d’absence et de ciel noué, insondables et sans assise, se détachent ces toujours-là, ces existants décalés et fabuleux, ses inhabitants terribles. Dominique Albertelli sacrifie les apparences. Elle s’attaque au destin. L’émotion, comme une exécution, est capitale. Le rouge et le noir tressaillent et s’abandonnent à leurs élans sacrilèges, tandis que l’écho des corps à vif résonne dans nos miroirs.
La transe graphique de ses somptueux dessins, proches de l’expressionnisme des origines, et tueurs de clichés, haletante et acérée, nie tout confort visuel. Mais la main du peintre, comme un scalpel de sombre lumière, ne cesse de sauver la vie. Elle circule à vif dans la pulpe des énigmes vitales. Elle bouleverse le temps insidieux de l’attente. Art d’incantation brutale où palpitent de saisissantes puissantes d’apparitions. Art lourd et puissant, à la scénographie tribale et prodigieuse. Dominique Albertelli creuse l’insondable mystère de l’existence, arrêtant le drame juste au bord de la vie.
“Le murmure de l’air, la violence et la douceur“ Dominique Albertelli Jusqu’au 17 octobre – Galerie DX – Bordeaux (33)
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