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On en parle

Maillol-Lüpertz

Chantal Vérin, le 10 janvier 2025

Filiation rêvée

Le Musée Maillol présente un dialogue inédit entre Markus Lüpertz et Aristide Maillol. La tendance, depuis quelque 10 ans, est aux expositions en « tandem », et l’on pourrait s’attendre à ce que l’artiste allemand, figure majeure de la scène contemporaine, peintre et sculpteur de renommée internationale, en prenne ombrage. Mais au-delà de la mise en scène recherchée de son personnage, costumes élégants taillés sur mesure, bracelet et bague, canne à pommeau de tête de mort, Markus Lüpertz sait faire montre d’une modestie calculée, quelque peu provocatrice, la « comparaison » permettant de définir sa propre identité et sa propre valeur.

Markus Lüpertz – 1941 – « Dithyrambisch » – Coll. Stephan et Markus Böninger

Né en Bohême en 1941 d’un père tchèque et d’une mère polonaise, réfugié en Allemagne de l’Ouest en 1948, il est devenu allemand après la guerre. Situation dictée par les événements, et qui le font porteur d’une certaine « noirceur », étayée par la désastreuse période nazie et sa négation de l’art. Il a vécu la guerre, les bombes et les destructions. Mais la violence et la colère que l’on connaît dans ses tableaux contre la guerre, par exemple le triptyque « « Schwarz-Rot-Gold », aux couleurs du drapeau allemand, ou le thème des coquilles d’escargots à la forme de casques guerriers ne sont pas directement une illustration de sa vie. « Ce n’est pas notre époque qui nous intime ce que nous devons faire, ce sont les artistes qui définissent leur époque ».

Markus Lüpertz – « Les Trois Grâces ».jpg

Artiste non consensuel, travailleur acharné, « je ne peux pas travailler sans rage », il appartient à la génération incontournable des grands artistes contemporains allemands, tels son grand ami Immendorff (1945-2007), Penck (1939-2017) et Baselitz, formés à l’est en RDA avant de rejoindre l’Allemagne fédérale, ou encore Anselm Kiefer dont il fut le professeur à l’Académie des Beaux-Arts de Düsseldorf. Tous ont une haute idée de l’art, espace de liberté et d’individualisme. Tous ont en mémoire certaines formes figées de la peinture liées à l’époque nazie ou au réalisme socialiste. Ils recherchent de nouvelles façons de créer évitant tout précepte artistique dominant.

Markus Lüpertz – « Europe » (Escargot blanc) – Galerie Michael Werner

Exposer en duo Markus Lüpertz, peintre-sculpteur dit néo-expressionniste, et Aristide Maillol, a de quoi surprendre. Justement Maillol n’est pas pour Lüpertz un sculpteur réaliste : ses sculptures rassemblées dans le jardin des Tuileries se jouent de « la notion de classicisme » par leur silhouette épaisse et non harmonieuse.  Maillol préfère une « harmonie intérieure intemporelle ». Markus Lüpertz dit être arrivé à la figure en passant par Maillol qui lui « a ouvert les yeux sur cet énorme réservoir que représente l’art classique », admettant par là-même une filiation. Le temps d’une exposition, Maillol reçoit donc dans ses murs, en regard des œuvres du musée, une trentaine de toiles et de sculptures de Markus Lüpertz, la plupart prêtées par son galeriste-collectionneur de toujours, Michael Werner. Parfaite illustration : “Les Trois Grâces“, à la fois gouache et sculpture en bronze,qui rappelle le groupe sculpté “Les Trois Nymphes“. La série des «Têtes» montre des bronzes peints, les toiles représentent des formes puissantes taillées dans le bloc.

Markus Lüpertz – « Tête de Pâris » – Bronze peint – Galerie Michael Werner

Markus Lüpertz, après 60 ans de création, ne regarde pas en arrière, il poursuit son œuvre, il vient de terminer une sculpture haute de 5,20 mètres, un Prométhée .

Jusqu’au 23 mars 2025
Musée Maillol – Paris 7ème

En Une : Maillol-Lüpertz – 1976 – Technique mixte sur papier – Galerie Michael Werner