Pour sa quatrième édition en Juin, le salon des métiers d’art d’Obernai « Haut la main ! » organisé par La Fédération des métiers d’art d’Alsace présentait les réalisations d’une quarantaine de professionnels sélectionnés.
Créations uniques et originales, les œuvres exposées sont à la convergence des domaines scientifique, manuel, technique, artistique, technologique et expérimental. Depuis 1996, année de sa création, « la frémaa œuvre pour la valorisation, la représentation, la promotion et le développement économique de ces professionnels des métiers d’art. Le label frémaa est considéré comme une référence et un gage d’excellence. Il promeut les entrepreneurs de la création qui conjuguent avec succès la maîtrise et l’évolution d’un savoir-faire, la réalisation d’oeuvres d’excellence avec passion et innovation. »
Les oeuvres exposées dévoilent des savoir-faire d’une extrême ingéniosité, démontrant le talent et la bravoure de leurs créateurs. Ces technicités ne sont néanmoins plus uniquement au service d’une vision artistique. L’objet inventé, qu’il soit utilitaire ou non, est création artistique à part entière. L’artisan n’est plus l’exécutant au service d’un artiste, il est artiste lui-même.
Communément répertorié comme une sous-catégorie de l’art, l’artisanat n’a néanmoins rien à envier à la peinture ou à la sculpture. Trop souvent réduite à sa fonction décorative, la création artisanale surpasse son état fonctionnel pour se transcender en œuvre d’art. Elle est le résultat de longues réflexions, profondes et conceptuelles, résultat d’expérimentations minutieuses, et parfois aussi, simplement pour le plaisir de la manipulation et de la production.
Elle peut être encore motivée par les émotions de son inventeur, expression de ses passions, de ses revendications, reflétant sa vision du monde. Fréquemment considéré comme un art secondaire, l’artisanat d’art devance souvent le grand Art par son originalité, son courage et l’exécution méticuleuse et virtuose de ses œuvres.
Alors pourquoi s’accrocher encore en 2021 à cette classification perçue à juste raison comme dévalorisante? D’après la définition du Larousse, l’Art est « la Création d’objets ou de mises en scène spécifiques destinées à produire chez l’homme un état particulier de sensibilité, plus ou moins lié au plaisir esthétique. Il est l’ensemble des procédés, des connaissances et des règles intéressant l’exercice d’une activité ou d’une action quelconque.»
La création contemporaine est belle et bien multiple et ne devrait connaitre aucune frontière. Indépendamment de toute considération financière (le marché de l’art étant devenu un marché financier hautement spéculatif), les œuvres exposées dans ce salon ont amplement leur place dans les musées d’art contemporain.
Une expansion en verre de Pascal Lemoine peut nous émouvoir tout autant qu’une expansion en résine de César. Alors pourquoi insister sur cette catégorisation? A bien réfléchir, les artistes ne sont-ils pas finalement tous des artisans, des artisans de la matière, des artisans du rêve, des artisans de l’expérimental, des artisans du futur, des artisans de l’impensable et de tous les possibles. Peut-être devrions-nous inventer une nouvelle appellation pour tous ces créateurs et créatrices ?
Pourquoi ne pas nommer ces hommes et femmes les « Artisanistes » ? N’est-il pas grand temps dans notre XXIè siècle futuriste de briser ces frontières inutiles et désuètes et de proclamer la naissance de l’Artisanisme ? Une production nous émeut, nous révulse ou nous indiffère. L’acte de création se pose, s’impose et nous bouleverse quelqu’en soit sa forme, qu’il soit peinture, sculpture, gravure, graffiti, plat, monture, couteau, bouquet, édifice, lumière, mirage ou cri. Alors qu’attendons-nous ?
Orfèvres des éléments, utilisant des techniques ancestrales exigeantes qui ne laissent pas de place à la timidité, l’artisaniste déploie ainsi son originalité et ses sensibilités dans les veines de la matière. L’art sensible et sensuel de ces créateurs nous offre des oeuvres qu’on se plaît à caresser du regard, à toucher du bout des doigts, à humer jusqu’au bout des lèvres.
Pascal Lemoine et Ben&Manu nous proposent par exemple une immersion dans la transparence de la lumière, entre monts et mer. Vero Reato et Dominique Stutz exposent des réalités végétales et embryonnaires, en béton brut ou dans un retour à des couleurs vitales et essentielles.
Michael Maio et Simone Perrotte développent chacun à leur manière une illustration poétique, détournant au passage la fonction première de leurs objets. Pendant que Françoise Wintz et Noémie Gotti transcendent leurs bijoux en peintures sculpturales, Emmanuelle Manche et Elodie Lesigne inventent des bestiaires extraordinaires.
Isabelle Fustinoni quant à elle, dans une démarche de collaboration, organise la rencontre subtile de l’utile et du symbolique avec ses « Boîtes sculptures ». En créant ses « fétiches », elle modèle des totem du quotidien, à la croisée entre le végétal, le minéral et l’animal.
Ces artisanistes s’inspirent de leurs vécus personnels, de leurs pratiques artistiques, de leurs voyages et de leurs rencontres. Ils nous offrent un art novateur à contempler et à collectionner. Leurs œuvres de verre, de grès, de béton, en céramique, de plumes, en résine et en bois flotté nous questionnent et nous surprennent. Rien ne résiste à cette frénésie créatrice et les matières ainsi sublimées nous invitent au voyage.
D’une molécule organique à une promenade en montagne, d’une plongée au fond des océans à un concert en plein air, inquiet parfois pour l’avenir sombre et incertain de l’Humanité, mais émerveillé toujours par la splendeur de la Terre, rien ne se perd, tout se transforme. Rien n’échappera ni ne résistera à leurs élans créateurs. Alors haut les cœurs !
Juin 2021
Salon Haut la main – Obernai (67)
©photos Nicolas Delamotte Legrand
