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On en parle

Richesses abstraites

Christian Noorbergen, le 30 août 2024

Jean Clair voyait dans le corps la grande donnée artistique du vingtième siècle, quand même l’abstraction semblait dominer le monde de la création. Aujourd’hui, peu nombreux en France sont les artistes qui donnent encore à l’abstraction ses grandes lettres de noblesse. Quelques grands musées, quelques fondations, et quelques galeries audacieuses, jouent cependant le grand jeu de la disparition de la figure et de l’objet, au bénéfice de la plus haute abstraction picturale, et de la presque pure peinture. Les prises de risques sont plus rares. Et pourtant, infinis sont les passages en pays d’abstraction…
Merci à la galerie Faidherbe, dirigée par Pierre Darras, de jouer le jeu ! Admirablement !

André Lanskoy – Bleu du jour – 1947 – Huile sur toile – Signée en bas à droite, titrée, datée au dos – 38×46 cm

Une grande partie des “produits” consacrés qu’affectionne la modernité se définit par le rôle dominant de l’intellect, confort assuré, phénomènes de surface garantis, jeux d’enfants émerveillés, pour un temps, par les outils de l’époque… 

Au début du siècle dernier, la mort des images est achevée, au moins pour les artistes en quête d’oxygène mental. L’art abstrait ouvre ses voies avec Kupka, Malevitch et Kandinsky. Mais l’abstraction de ces grands plasticiens marqués d’intellect, ne sera pas la seule voie de l’abstraction. L’abstraction expressionniste des grands Américains d’avant-guerre, puis l’abstraction lyrique et les abstraits contemporains gardent contact avec les profondeurs charnelles, comme la tache aveugle qui ferait vivre la vision.

Albert Rafols-Casamada – Murs blancs – 1977-1979 – Acrylique sur toile – Signée, datée en haut à droite – Titrée et datée au dos – 96,5×130 cm

Sur les paysages du dehors se projettent les affres et les mystères du dedans, et le corps intime, implosé et virtuel, secret et inconnu, est l’arrière-monde sur lequel se déploient les mondes visibles. L’abstraction dit la salutaire prise de distance avec le monde saturé des fragiles images. Elle restaure le vif de la création libre.

Jun Dobashi- Mouvement dans la vacuité – 1958 – Technique mixte sur toile – Signée et datée en bas à droite – 162×162 cm

Dans une petite et très grande exposition, la galerie Faidherbe, à Paris, montre quelques pièces majeures des grands manitous de l’abstraction, d’Alechinsky à Gérard Schneider, d’Olivier Debré à Charchoune ou d’Eugène Leroy à Hans Hartung. Dans un espace d’art qui n’est pas immense, difficile d’imaginer une telle concentration d’œuvres majeures de la plus haute abstraction.

Serge Charchoune – Paysage classique n°1 – 1955 – Huile sur toile – Signée et datée en bas à droite – 50×61 cm

Prodigieux ensemble d’une quinzaine d’œuvres très qualitatives, un évènement incontournable pour les amateurs de peinture abstraite. Dont une découverte somptueuse, un chef-d’œuvre de l’Espagnol Ràfols-Casamada (1923-2009)

Jusqu’au 13 octobre 2024
Galerie Faidherbe

En Une : Serge Charchoune – Composition – 1945 – Huile sur toile Signée et datée en bas à droite – 17,5×21 cm