« Dans les replis du temps »
L’artiste chinoise Shi Qi expose actuellement dans le « Icicle Space-Paris », l’espace culturel de l’élégante maison de mode des Champs-Élysées. A Shanghaï et à Paris, Icicle joint à son activité commerciale une exigeante programmation culturelle, faisant des deux centres des lieux de référence pour le dialogue entre les cultures asiatiques et occidentales. Des expositions dédiées à l’art et au design, des rencontres littéraires et poétiques, et même des initiations aux arts du thé sont des invitations à de fructueux échanges interculturels. A l’Est comme à l’Ouest, recherche esthétique et réflexions éthiques prévalent dans tous les domaines, de la création de beaux vêtements comme de l’exigence culturelle.
Shi Qi, née à Wenzhou en 1978, est diplômée de l’Académie des Beaux-Arts de Chine, et a participé à de nombreuses expositions. Partie en Europe à la recherche de nouveaux horizons, elle a poursuivi ses études à l’École nationale d’arts de Paris-Cergy. Elle est l’amie d’artistes chinois de haut niveau, comme Ma Desheng et Wang Keping, appréciés en France. Pendant plusieurs années, elle n’a plus exposé pour se consacrer à une profonde réflexion portant sur sa double culture et un rapprochement des traditions bouddhistes, longtemps mises à l’écart, voire ignorées. Elle prête à ces traditions une émouvante attention depuis la tragédie du décès de sa mère, restée en Chine coupée du monde lors de la pandémie de la Covid 19.
Dans l’exposition Dans les replis du temps, sous le commissariat éclairé de Myriam Kryger, Shi Qi présente plusieurs séries d’œuvres récentes qui montrent un important tournant formel dans son travail, avec notamment un passage à l’abstraction. Considéré avec le pinceau et l’encre comme l’un des trésors de tout lettré chinois traditionnel, le papier, avec ses innombrables variétés, est le support de ses nouvelles créations. Entre peintures à l’encre et sculptures de papier, les compositions sont à la fois complexes et minimalistes. Le papier est plié en accordéon et découpé en bandelettes. Éparpillées et reconfigurées, cousues et collées entre elles, les œuvres, entre rigueur et hasard, créent une forme fixée sur la toile.
La « sculpture » à dominante monochrome, noire, colorée ou blanche, vibre et invite à la contemplation. Ses plis mystérieux intriguent, d’autant plus que les inscriptions cachées ne se révèlent pas tout de suite au regard. L’artiste explique qu’elle a recopié des sutras, textes fondamentaux du bouddhisme, qui, dans la tradition, sont brûlés lors d’un décès. Le travail commence par le tracé minutieux d’une calligraphie rituelle ou d’un dessin à l’encre que Shi Qi recouvre d’une couche d’encre noire ou colorée. Après séchage, les traces réapparaissent subtilement. Dans les créations blanches de la série Messages, des fragments de papier dépourvus de textes sont glissés dans les replis, prêts à s’envoler, et « suggérant peut-être que l’essentiel est indicible ».
Ces gestes consolateurs à forte connotation symbolique entre effacement et réparation, entre invisible et visible, sont pour Shi Qi un langage à part entière et un fort acte créatif.
Jusqu’au 15 mai 2025
Espace culturel Icicle – Paris 8ème
En Une : Portrait Shi Qi – ©Chantal Vérin
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