Le Musée de Montmartre-Jardins Renoir, créé en 1960 dans une ancienne bâtisse du XVIIème siècle, abrite d’importantes collections permanentes qui retracent l’histoire de la Butte et son intense vie artistique. Les salles se déploient autour de l’atelier-appartement, fidèlement reconstitué,
de Suzanne Valadon et Maurice Utrillo, et ouvrent sur trois bucoliques et paisibles jardins.
Deux expositions temporaires sont présentées chaque année. Ainsi “Charles Camoin, un Fauve en liberté”, “Otto Freundlich, la révélation de l’abstraction” ou encore “Van Dongen et le Bateau-Lavoir”. L’exposition actuelle “Surréalisme au féminin ?” propose une sélection d’œuvres d’artistes femmes, datées des années 1930 à 2000, excédant heureusement la date officielle de dissolution du groupe surréaliste. Choix non exhaustif, mettant en lumière des artistes majeures et des personnalités moins connues, toutes pouvant entrer dans un même cadre d’expression et de créativité, à l’écart d’une vision “poétique”, conventionnelle et réductrice de l’identité féminine.
Selon l’expression d’Ithell Colquhoun “les femmes avaient tendance à être autorisées mais non nécessaires”, alors même que leurs œuvres montrent une puissance d’invention et un degré de créativité comparables à celles de leurs homologues masculins. Le Surréalisme étant dans l’histoire de l’art le premier groupe artistique à intégrer autant d’importance à la création féminine.
L’exposition se déploie en sections thématiques (Métamorphose, Nature, Chimères, Nuits intérieures) indépendantes de la chronologie de l’histoire du surréalisme et dépasse les normes admises du surréalisme. Heureuse prise de risques des responsables : Alix Agret et Dominique Païni.
Les œuvres à quatre mains (Toyen et Meret Oppenheimer), les portraits réciproques (Dora Maar et Lee Miller), et les complices échanges épistolaires expriment un énorme besoin de liberté et sont autant de reflets d’une révolte contre la morale bourgeoise, la religion instituée et les lois mâles dominantes. Dorothea Tanning, dans “Un tableau très heureux”, caricature ainsi le cliché ressassé du voyage de noces. “Couple d’oiseaux anthropomorphes”, de Suzanne Van Damme, est d’une exceptionnelle audace. Deux personnages-oiseaux de profil, en marche, semblent se rendre à un bal costumé.
“Maîtresse” de Mimi Parent, 1995, avec humour, montre un fouet tressé en cheveux, accessoire du fétichisme sadomasochiste. Clin d’œil : maîtresse-mes tresses !
“La Cathédrale engloutie” de la britannique Ithell Colquhoun représente un alignement de menhirs évoquant le site néolithique de Stonehenge en dessinant le signe de l’infini, soulignant le lien entre surréalisme et pratiques occultistes.
Les fantasmagories graphiques d’Unica Zürn au trait parfaitement maîtrisé ne sauraient être réduites à la seule fragilité de l’artiste. Exceptionnelle qualité graphique ! Même trait incisif et décisif dans “le Rêve” de Valentine Hugo, où la préciosité décorative du dessin n’émousse en rien son horrifique impact.
Des constructions tridimensionnelles, entre architecture et sculpture, des collages, de la broderie et autres techniques artistiques très diverses, des photographies, de la poésie (Joyce Mansour et ses “Nuits intérieures”), complètent cette très riche exposition.
L’exposition bénéficie d’importants prêts de grands musées et de nombreuses galeries et collections particulières.
Parallèlement, la Cinémathèque française organise en juin une rétrospective : “Quand les surréalistes allaient au cinéma” et proposera les principaux films réalisés par des cinéastes qui se sont réclamés de la lettre et de l’esprit du mouvement.
Le surréalisme au féminin existe bel et bien. Le point d’interrogation, polémique, n’est pas indispensable.
En Une : Valentine Hugo – “Le rêve du 21 décembre” – Collection Mony Vibescu, ADAGP, photo Gilles Berquet
Jusqu’au 10 septembre 2023 Musée de Montmartre Jardins Renoir – Paris 18ème
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