Peintre injustement oublié du XXème siècle, Nicolas Eeckman enchante Cassel de son univers merveilleux et fantastique voire surnaturel suite à la donation de sa fille Luce au Musée de Flandre. Un artiste à découvrir sans tarder !
Né à Bruxelles à la toute fin d’un siècle de révolution industrielle, parisien d’adoption dès 1921 jusqu’à sa mort, cet ami et contemporain de Piet Mondrian et Max Ernst entre dans Histoire de l’Art alors que de nouveaux courants très novateurs émergent. Il ne se retrouve guère dans cette veine artistique, bien trop attaché à la représentation du réel. Tel ce “Don Quichotte blessé” qu’il représente éborgné en gravure, il lutte avec acharnement contre les moulins à vent de son temps. “L’Abstraction, cette vaste fumisterie !” devient son cheval de bataille, faisant l’objet d’une conférence alors qu’il chevauche la cinquantaine…
Fasciné par Van Gogh dès l’âge de 18 ans, il peint avec amour et humour le monde paysan. Les vicissitudes de la Première Guerre Mondiale le conduisent à Nuenen – Pays-Bas en 1914 dans le presbytère où son illustre aïeul séjourna lui aussi. Belle occasion de marcher dans les traces de son mentor ! On retrouve ainsi sans conteste l’âpreté du tableau “Les mangeurs de pommes-de-terre” dans sa composition en clair-obscur “Le Messager”. Une vingtaine d’années plus tard, les toiles de Van Gogh, gorgées de champs couleur or et de bottes de foin éclatant de soleil, lui inspireront “Gerbe Folle” ou “Folle moisson”. Notons à ce titre que le musée de Cassel aime innover et prôner l’inclusion : outre des tablettes tactiles pour les mal-voyants, ce tableau inspire quant à lui la toute première création olfactive du musée, chargée d’ambre et de musc, évocation du dur labeur aux champs, et d’une note citronnée annonçant l’orage.
Au-delà de son admiration pour le peintre hollandais, Nicolas Eekman se pose en amoureux inconditionnel de l’Art flamand. Fasciné par les compositions des grands maîtres qui jetaient leur dévolu sur le monde des gueux, il revisite les codes d’un Brueghel l’Ancien ou d’un Hyeronimus Bosch, délaissant leur vision sombre et critique au profit d’un regard bienveillant et ludique. Il peint directement dans le cadre, sur un bois qu’il ponce et re-ponce, enduit de colle et de Blanc de Meudon exacerbant les couleurs. Sa peinture s’imprègne au fil du temps de fantastique et merveilleux, tel “Le quatuor de la zone” allègrement inspiré de la “Parabole des aveugles” de Brueghel l’Ancien. Là où le maître flamand ne peignait qu’une collection d’indigents, imbéciles et suppôts du diable, il traite pour sa part son sujet avec infiniment d’humour. Un florilège de détails gorge ses toiles : ici, son âme de soixante-huitard rebelle rappelle qu’il est interdit d’interdire avec ses panneaux ronds et rouges barrés de blanc ; là, il emprunte aux maîtres flamands leur iconographie : un cochon se coince la tête dans un seau tandis qu’une poule symbole de la commère loge sur les genoux du cavalier de “Cavalcade” !
Eeckman prône qu’il n’est “pas d’art, s’il n’est pas à visage humain”. Sa comédie humaine embrasse une galerie de portraits, sujet de prédilection dans lequel il excelle. Il peint notamment la chevelure d’or et le corps Botticellien d’Andrée Herrenschmidt, sa deuxième épouse. Une salle joyeusement carnavalesque rappelle aussi le goût de ce bon vivant pour le déguisement et pour un autre de ses influenceurs, James Ensor, aux masques facétieux et grimaçants. N’oublions pas non plus que nous sommes au musée départemental de Flandre et que le géant Reuze Papa fêtera bientôt ses 300 ans ! Le lundi de Pâques, célébrant l’avènement du carnaval d’été, annonçait aussi cette superbe exposition, belle occasion de mettre à l’honneur les père et mère fondateurs du site. Souvenez-vous que suite à une dispute bien sentie au sein du couple de géants, Reuze Maman fit tomber de sa hotte une motte de terre donnant un peu de relief au plat pays environnant, ainsi naquit le mont Cassel !
Le voyage au pays du merveilleux se conclut avec tendresse grâce à ce Peter Pan pratiquant l’auto-dérision avec malice. Entamant dès 1933 une carrière d’illustrateur notamment pour la jeunesse, il intègre alors à son univers onirique “La légende d’Ultenspiegel” dont le facétieux Till l’espiègle qu’il peindra de nouveau un an avant sa mort. En cette ultime salle où nous découvrons la reconstitution de son atelier et sa palette d’artiste, “Espiègleries” ou “Till et son monde”, œuvre du fond permanent du musée, est un clin d’œil amusé à l’ensemble de son univers. Que ce printemps naissant soit pour vous l’occasion de découvrir le merveilleux hommage au “Monde fabuleux de Nicolas Eeckman” et bien sûr le mont Cassel, si ce n’est déjà fait !
Jusqu’au 8 septembre 2024 Musée départemental de Flandres – Cassel (59)
En Une : Nicolas Eeckman (1889-1973) – Mascarade – Huile sur toile marouflée sur panneau – 1969 –65×81 cm – Collection particulière
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