Une fois encore, l’Institut pour la photographie de Lille s’expose hors les murs, en trois lieux pour cette rentrée. Le Colysée de Lambersart accueille pour sa part une sélection de 8 lauréats répondant à une grande commande de photojournalisme de la BNF. Les photographies exposées offrent un portrait kaléidoscopique de femmes, balayant le spectre du sociétal à l’intime, de la survie à la renaissance, preuve s’il en est qu’elles sont belles et fortes, se réinventent et s’épanouissent par le travail, le sport, les études, par-delà l’âge, les vicissitudes de territoires et classes sociales, les coups bas du quotidien, les guerres et exils. En tous les cas, elles ont toutes un point commun, elles sont “Vivantes” et nous le font savoir !
Deux Julie ont retenu mon attention. Il y a d’abord “Les Eaux fortes” de Julie Bourges, projet sur les femmes marins pêcheurs, odyssée intime de ces héroïnes de mer. De tous temps les femmes ont été perçues comme des menaces dans un univers marin aujourd’hui encore très masculin. Sorcières de la mer, elles véhiculaient une aura dangereuse, souvenons-nous d’Ulysse et son équipage manquant de périr au doux chant des sirènes. Résolues à ne pas se laisser intimider, refusant de tomber de Charybde en Scylla, Camille, Alice, Louise et Gwen sont des femmes déterminées qui bravent les éléments et les contraintes de leur métier avec passion.
Elles transgressent tabous et interdits de cet univers marin mais elles sont surtout pour Julie Bourges une source d’inspiration et de beauté oscillant entre féminité et masculinité, en témoignent la poigne puissante de Gwen qui trie les poulpes à mains nues et autres tatouages emblématiques sur la peau blanche d’une cuisse musclée. Les photographies présentées sont autant de tableaux en clairs-obscurs à la lumière caravagesque sublimés par un accrochage théâtralisé. Le visage savamment éclairé de Camille dans la noirceur des ténèbres reflète l’inquiétude face aux flots tourmentés tandis qu’un bolincheur solitaire s’éloigne jusqu’au bout de la nuit.
Tout autre registre, les photographies aux couleurs acidulées de Julie Glassberg incarnent la fièvre, du samedi soir au dimanche après-midi, de thés dansants et autres bals endiablés dans “Stayin’Alive“. Des jambes de danseuses aux chevilles fines perchées sur des talons graciles émergent de jupes dont la longueur respecte la décence du “dessous de genou”, laissant entrevoir le galbe d’un mollet veiné du passage des ans. Elles n’ont plus 20 ans mais plutôt 4 fois 20 printemps. Belles, séduisantes et séductrices, elles vivent l’amour, la danse, travaillent encore ou font du sport, défiant l’attitude empathique et convenue d’une société toujours embarrassée face à une vie qui s’allonge, à une vieillesse envisagée comme un fardeau…
“L’enveloppe change et se transforme, mais sa beauté est une question de perception, et si le feu intérieur brûle toujours, il n’est pas question de l’éteindre” dit la photographe. Pour preuves, ces clichés tendres de Brigitte Bourban repeignant sa bouche de carmin ou les mains de Gisèle Leboulanger, délicatement parées et croisées, une Gisèle qui danse régulièrement pour oublier ses problèmes ayant même rencontré son nouveau petit ami en cette occasion.
Ainsi soient-elles. Douceur, authenticité, sincérité sont les valeurs véhiculées par les portraits de ces femmes qui se réinventent, sont et se veulent unanimement “Vivantes !”
Jusqu’au 8 décembre 2024 Institut pour la Photographie – Le Colysée – Lambersart (59)
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