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On en parle

Yannis Markantonakis

Christian Noorbergen, le 4 octobre 2024

Ou l’immensité des navires

Yannis Markantonakis navigue en haute peinture. Il est pensable qu’un artiste d’origine grecque, installé à Paris depuis 1985, peigne des bateaux, leur rende hommage, et s’inspire de la mer. Mais chez lui, pas de mouette rieuse, aucune plage, aucun ressac houleux et attractif. Le pittoresque attendu n’est pas son fort. Au contraire, l’obscurité de l’univers aimante une œuvre monumentale où chaque navire instaure une présence implacable d’une rare intensité. 

Grande scène portuaire – Détail – 178×130 cm

Le rouge et le noir s’étreignent en profondeur, quand le bateau, signe l’humanité passante, s’impose comme le cœur battant d’une étendue formidablement habitée. Une vie ne suffit pas à épuiser une direction, et Yannis Markantonakis creuse sans fin son aventure artistique. Sa maîtrise picturale impressionne : peu d’éléments, peu de couleurs, et peu de signes donnent à son œuvre une assise ascétique d’une incroyable densité et d’une étonnante économie de moyens, signes de haute peinture, sidérante et classieuse. Depuis peu apparaissent des navires sculptés comme des blocs d’impénétrable immensité. Beaux exemples actuels à voir dans la galerie GNG de Gilles Naudin, à Paris.

Au port – 96×67 cm

Ses créations ignorent royalement la répétition, comme une respiration d’art qui gagnerait en puissance à chaque exposition. Chez lui, chaque impact impose une grave fatalité, car c’est le destin de l’humanité qu’il convoque en profondeur. Dans le silence absolu du monde, dans la solitude de tout divertissement anecdotique, ses navires avancent lentement et royalement, au rythme de l’évolution des siècles.  La matière est griffée de partout, intégrant ainsi les inévitables cicatrices de la vie. Les couleurs s’affrontent comme pour signaler les tensions qui font la vie à l’insu des surfaces, au dedans de chacun. Absolue gravité de la création.

Construction

Chez Yannis Markantonakis, la proximité des ténèbres donne à chaque éphémère lumière l’intensité chromatique qui hante chacune de ses peintures. Il ne représente pas. Il crée à vif de la pure et grande présence d’art.

Jusqu’au 20 octobre 2024 – Galerie GNG